Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/992

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Allez, allez, bonnes gens, mais avouez que les degrés de ce temple ne sont pas très commodes, des escaliers insupportables !

Ces hauts et ces bas, ces montées et ces descentes, ces ascensions de rochers, cela me fatigue l’ame et les jambes.

A mes côtés marche Lascaro, pâle et long comme un cierge. Jamais il ne parle, jamais il ne rit, le fils mort de la sorcière.

Oui, l’on dit que c’est un mort, défunt depuis longues années, à qui la science magique de sa mère a conservé l’apparence de la vie.

Ces méchans escaliers du temple de Dieu ! Je ne puis comprendre aujourd’hui que je n’ai pas vingt fois trébuché dans l’abîme et risqué de me casser le cou.

Comme les cascades mugissaient ! comme le vent fouettait les sapins qui hurlaient ! Les nuages crèvent tout à coup. Quel temps affreux !

Près du lac de Gaube, dans une petite cabane de pêcheur, nous trouvâmes un asile et des truites : celles-ci étaient délicieuses.

Le vieux pêcheur, malade et cassé, était assis dans une chaise longue. Ses deux nièces le soignaient, belles comme des anges,

Comme des anges un peu gras et quelque peu flamands, que l’on croirait descendre d’un cadre de Rubens : cheveux blonds, yeux bleus et limpides,

Fossettes au milieu des joues roses où l’espièglerie se tapit, membres forts et arrondis, éveillant à la fois la crainte et la volupté.

Charmantes et bonnes créatures, qui se disputent d’une façon charmante pour savoir quelle boisson conviendrait le mieux au vieil oncle malade.

L’une lui présente une tasse de fleur de tilleul, et l’autre de la tisane de sureau.

« Je ne boirai ni l’une ni l’autre, dit le bon vieux impatienté. Allez me chercher une outre de vin, que j’accueille mes hôtes avec une meilleure boisson. »

Si c’est véritablement du vin que j’ai bu au lac de Gaube, c’est ce que j’ignore. Dans le Brunswick, j’aurais cru que c’était de la bière de Brunswick.

L’outre était faite de la plus belle peau de bouc noir. Elle puait admirablement ; mais le vieux en but avec tant de plaisir, qu’il en devint gaillard et mieux portant.

Il se mit à nous raconter les hauts faits des bandits et des contrebandiers qui hantent libres et joyeux les forêts des Pyrénées.

Il savait aussi de vieilles histoires, entre autres les combats des géans contre les ours, dans les temps fabuleux.

Oui, les géans et les ours se sont disputé jadis l’empire de ces montagnes et de ces vallées avant l’invasion des hommes.

A leur arrivée, les géans s’enfuirent épouvantés par une terreur