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Ont appelé Sauveur les rois et les bergers, -
Vers l’Égypte marchait, vers la terre des sages
Où s’est accumulé le savoir des vieux âges,
Où la Grèce a versé les trésors agrandis
Des saints enseignemens qu’elle y puisait jadis ;
L’autre, — plus chargé d’ans et d’aspect plus austère,
Avec un fils pareil aux enfans de la terre, —
S’approchait du désert, berceau des visions,
Trépied toujours fumant des inspirations,
Bûcher où, pour mourir en nous cachant ses traces,
S’enfonce, au jour marqué, l’Esprit des vieilles races,
Qui, renaissant du feu, vole, oiseau rajeuni,
Et poursuit dans les temps son voyage infini.


LIVRE SECOND.




I.


Dans les plaines où luit, d’un éclat jaune et morne,
Des sables ondoyans l’aridité sans borne,
Loin des puits et de l’ombre et plus loin des humains,
Est accroupi, couvrant sa tête de ses mains,
Fauve, sombre, immobile et différant à peine
Des rochers calcinés perçant la molle arène,
Un homme aux durs contours, aux flancs maigres, nerveux,
Inculte, hérissé de barbe et de cheveux ;
Un éclair parfois brille en son orbite cave,
Il a l’œil d’un voyant et l’habit d’un esclave ;
Des lanières de cuir serrent contre ses reins
Les poils roux du chameau tissus avec des crins ;
Hors lui seul, il n’est pas, sous ce ciel rouge, une ame,
Pas un insecte errant dans cet air tout de flamme,
Pas un brin d’herbe et pas une haleine de vent ;
Lui seul, dans la fournaise, a pu rester vivant ;
Autour de lui, sans fin, le silence et le vide,
Et du sable éternel la mer morte et livide ;
La lumière, inondant son immense prison,
D’un cercle épais de feu ferme tout horizon.

Or, l’hôte du désert qui, sans tomber en cendres,