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Pour apprécier ce qui s’est fait à l’égard du Portugal, il faut donc rechercher si le traité de la quadruple alliance a été cette fois appliqué d’une manière opportune et légitime. Or, on ne peut nier que la couronne de dona Maria n’ait été mise en péril non-seulement par la junte d’Oporto, mais encore par de sérieuses tentatives des partisans de dom Miguel, qui ont voulu exploiter à leur profit l’insurrection. C’est pourquoi la cour de Lisbonne a pu invoquer le casus fcederis. Quant au jugement à porter sur cette récente application du traité de la quadruple alliance, au point de vue des intérêts et de la dignité de la France, il y a d’abord un indice qu’il ne faut pas négliger. L’Angleterre n’a rien épargné pour nous écarter de toute coopération dans les affaires du Portugal. D’abord elle a voulu exercer seule sa médiation, qui est restée impuissante ; puis elle a cherché à conclure avec l’Espagne une convention dans laquelle nous ne devions pas figurer. Elle n’a pas réussi non plus dans cette autre tentative. C’est alors qu’a été dressé le protocole du 21 mai par les représentans des quatre puissances signataires du traité de 1834. Il ne serait ni juste ni politique de reprocher au gouvernement français une coopération qui est une conséquence nécessaire de notre alliance avec l’Espagne. Si la reine dona Maria eût été précipitée du trône, sa chute n’eût-elle pas singulièrement ébranlé le gouvernement de la reine Isabelle ?

Ce débat sur le caractère de notre intervention en Portugal a fourni à M. le ministre des affaires étrangères l’occasion de montrer la France et l’Angleterre agissant de concert dans l’intérêt de l’ordre et des institutions constitutionnelles. Il est bien entendu qu’en Portugal, l’Angleterre, la France et l’Espagne ne prennent pas l’absolutisme sous leur patronage, et que les trois puissances sont intervenues pour y rétablir une liberté régulière. M. Guizot a reconnu que le gouvernement de juillet ne pouvait accomplir une autre mission. Là, en effet, est la force morale de la France. Tous les peuples constitutionnels, tous ceux qui veulent conquérir des institutions libérales par des voies pacifiques et légitimes, sont nos alliés naturels. Rien ne serait plus contraire aux véritables intérêts du gouvernement de 1830 que d’avoir au dehors des apparences de complicité avec des tendances absolutistes et contre-révolutionnaires. C’est ce dont paraissait bien convaincue la majorité, qui n’a pas entendu sans satisfaction M. le ministre des affaires étrangères protester que l’intervention en Portugal ne s’était exercée qu’au profit du régime constitutionnel. Après une réplique de M. Odilon Barrot, qui a persisté, au nom de la gauche, à condamner toute intervention de la manière la plus absolue, le débat est tombé de lui-même ; tout s’est borné à une conversation politique ; qui ne pouvait aboutir à aucune conclusion, à aucun vote.

Le moment est mal choisi, il en faut convenir, pour condamner le principe d’intervention avec une inflexible rigueur, car sur plusieurs points de l’Europe nous voyons que ce principe a contribué au développement de la liberté. Où en serait la Grèce sans l’intervention de la France, de l’Angleterre et de la Russie, qui ont, il y a vingt ans, garanti son indépendance ? Cette intervention honore ces trois puissances et leur impose des devoirs que dans ces derniers temps l’Angleterre a malheureusement trop oubliés. La Russie elle-même en a jugé ainsi. Elle a trouvé dures et excessives les exigences de lord Palmerston relativement à l’emprunt, et dans cette question elle s’est séparée de l’Angleterre. Le représentant de la Russie à Athènes, M. Persiani, n’a pas caché la pensée de son ca-