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La liberté, la vie. Hommes, femmes, enfans,
Tous s’y viennent plonger, et toute plaie immonde,
Toute marque des fers disparaît sous cette onde ;
Vous marchez jeunes, purs, pleins d’audace et de foi,
Vers le mont foudroyant d’où descendra la loi.

« Venez donc ! au passé dites l’adieu suprême,
Entrez tous hardiment dans la mer du baptême ;
L’eau renferme la force avec la pureté
Et l’oubli des douleurs de la captivité ;
La terre, aux anciens jours coupable, y fut lavée.
L’onde en touchant le corps fait que l’ame est sauvée.
Elle donne une voix prophétique aux roseaux ;
L’esprit du Dieu vivant flotte encor sur les eaux ! »

Tel Jean les entraînait dans le sein pur du fleuve
Pour engendrer au père une famille neuve,
Et tous y descendaient, confessant leurs péchés,
Et devant lui passaient, et, sur leurs fronts penchés
Élevant à deux mains la conque qui déborde,
Jean répandait à flots l’eau de miséricorde.
D’un peuple si nombreux le Jourdain se remplit,
Que les hommes couvraient ses rives et son lit.
Durant l’automne, ainsi, quand les forêts sont mûres,
Un grand vent, annoncé par de lointains murmures,
Éclatant tout à coup, enlève en tourbillons
Les feuilles, les rameaux qui comblent les sillons ;
Sur la vigne et les prés, comme un épais nuage,
Ils courent, longuement balayés par l’orage,
Tant qu’au bout de la plaine ils n’ont pas rencontré.
Le lac qui les reçoit dans son lit azuré ;
Le feuillage, en monceaux, sur l’eau tombe et s’amasse,
Et d’une nappe sombre il en couvre la face.


IV.


Or, des pharisiens enveloppés d’orgueil,
Des scribes pleins de fiel, mais le sourire à l’œil,
Des prêtres méditant déjà leur anathème,
Attendaient à l’écart pour s’offrir au baptême ;
Et Jean les reconnut, et de sa rude voix
« Hypocrites maudits, est-ce vous que je vois ?