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nom et le pays de l’industriel européen auquel doit en revenir l’honneur soient restés complètement inconnus. L’impression en relief reçut bientôt quelques améliorations ; puis, empruntant le procédé de la gravure en taille-douce, elle se compléta par l’impression en creux. Bien que le progrès fût immense et incontestable, les dessins étaient encore péniblement reproduits par un travail lent et successif. Aussi les incorrections qui en étaient les conséquences inévitables firent-elles conserver l’usage du pinceau pour les indiennes fines, quelque défectueux qu’il fût au double point de vue de l’économie et de la promptitude dans l’exécution. Il était réservé à nos habiles voisins d’outre-mer de couronner tant de notables perfectionnemens par l’invention des machines dites à rouleau, destinées à imprimer d’une manière continue. Dès-lors seulement la partie mécanique de l’impression des tissus put se regarder comme définitivement constituée. L’inventeur fut un Écossais du nom de Bell, et, en 1785, la maison Lwessy, Hurgrave, Hall et compagnie, de Manchester, imprimait déjà avec succès au rouleau gravé en creux. Quinze ans plus tard, Oberkampf parvenait à se procurer une des machines anglaises et lui faisait imprimer par jour cent cinquante pièces d’étoffe. C’est alors que Lefèvre, cet homme de génie dont nous avons dit la fin déplorable, construisit d’imagination, en la perfectionnant, la première machine à rouleau d’origine française. Les Anglais gravaient leurs rouleaux à la main, ce qui leur occasionnait une énorme dépense ; Lefèvre, se servant du burin des imprimeurs en taille-douce, leur appliqua tous les procédés de la gravure à la planche plate. Dès 1805, ce mode continu d’impression s’introduisit en Alsace, où il ne tarda pas à être adopté par tous les fabricans de toiles peintes.

Depuis longtemps de nombreuses tentatives avaient été faites en France, en Angleterre et en Allemagne, en vue de réaliser mécaniquement les impressions à la main, et elles étaient restées presque toutes infructueuses, lorsqu’en 1834, M. Perrot, ingénieur-mécanicien à Rouen, résolut complètement le problème par la découverte d’une admirable machine. Dans l’impression en relief, le dessin, préalablement calqué sur un papier végétal, est reporté à l’aide d’une pointe sèche sur une planche d’un bois dur ; colorant alors les traits en rouge, pour les rendre plus visibles, l’ouvrier découpe et vide la figure avec des outils appropriés. En coulant dans cette sorte de moule un alliage fusible, qui se solidifie, il obtient des cachets qu’il cloue en nombre convenable sur une planche d’impression. C’est cette planche ainsi gravée en relief et recouverte de couleurs que l’on applique sur le tissu par l’entremise de la perrotine. On ne saurait se faire une idée plus exacte de l’avantage que présente cette machine à imprimer qu’en le comparant à celui qu’offrent dans la typographie les presses mécaniques sur les presses à bras ; simple et économique tout à la fois, la perrotine, par son mouvement régulier et précis, permet d’obtenir les dessins les plus délicats avec la plus rigoureuse correction. Enfin les perfectionnemens successifs qui ont été apportés à cette ingénieuse machine, tant par l’inventeur que par d’autres mécaniciens, en ont rendu le maniement tellement facile, que deux hommes impriment maintenant dans une journée jusqu’à 1,500 mètres de calicot, travail qui exigerait au moins le concours de 50 imprimeurs à la main[1].

  1. Pour cette raison même, les ouvriers s’opposèrent long-temps à l’introduction des perrotines dans les fabriques de toiles peintes ; cependant, en 1841, trois cent cinquante machines de ce genre étaient déjà établies dans la Seine-Inférieure, à Paris, en Alsace, en Belgique, en Suisse et en Prusse.