Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

digne d’une attention sérieuse. Les avantages précieux que le commerce des toiles peintes offre à la France, la regrettable lacune qui existait pour cette industrie dans notre technologie nationale, déterminèrent, il y a quelques années, la société d’encouragement à solliciter, en proposant un prix, un traité méthodique de l’impression des tissus. Cette généreuse initiative n’eut pas tout d’abord le succès qu’on était en droit d’espérer. Quatre années se passèrent, pendant lesquelles aucun ouvrage ne parut digne d’être couronné, et ce sujet de prix dut être retiré du concours. Cependant M. Persoz avait entendu l’appel qui venait d’être adressé à la science et s’était mis à l’œuvre ; mais les longues et laborieuses recherches que nécessitait une pareille entreprise l’empêchèrent d’avoir terminé son travail avant la fermeture du concours. Il continua néanmoins, et ce ne fut qu’en 1845 qu’il put recueillir le fruit de sa persévérance, quand, au nom de la section des arts chimiques, M. Dumas lui exprima publiquement la haute satisfaction de la société. Comme le fit remarquer l’illustre rapporteur, les circonstances ont heureusement servi M. Persoz dans la tâche qu’il s’était imposée. Né dans une fabrique d’indiennes, il s’était familiarisé de bonne heure avec les procédés qui y sont employés. Son début dans la carrière scientifique fut une série de travaux sur l’application de la chimie à l’art des toiles peintes, travaux qui lui valurent de M. Thénard, dont il était alors le préparateur au Collège de France, la plus flatteuse marque d’estime : le savant professeur daigna lui confier la partie de son cours relative à la teinture et aux matières colorantes. Plus tard, envoyé comme professeur de chimie appliquée au centre de nos belles manufactures d’Alsace, il compléta son éducation industrielle. C’est alors seulement que, chimiste distingué et presque fabricant, il jeta les bases de son beau travail. Grace à M. Persoz, l’industrie des indiennes pourra substituer désormais les féconds enseignemens de la science à ces manuels incomplets, qui ne retracent guère que les pratiques de la routine. De tels ouvrages sont presque toujours plus nuisibles qu’utiles, en ce qu’ils ne font point connaître méthodiquement les procédés usités dans les arts qu’ils prétendent propager, et se gardent bien de poser les principes généraux de la science appliquée, qui seuls peuvent présider à ses progrès. Faire rentrer dans des voies scientifiques une de nos plus importantes industries nationales, donner aux fabricans de précieuses indications qui pussent leur éviter des recherches toujours dispendieuses et bien rarement suivies de succès : telle nous a paru être la pensée dominante de l’ouvrage de M. Persoz. Non content des documens qu’il a recueillis dans les travaux de ses devanciers et des renseignemens qu’il a puisés dans le concours intelligent que lui ont généreusement prêté nos plus habiles fabricans, il s’est éclairé, à chaque pas qu’il fait dans cette carrière difficile, par des expériences soigneusement exécutées. Il a exposé, avec autant de précision que de clarté, les principes qui lui semblent régir les faits, et est parvenu souvent ainsi à jeter un nouveau jour sur des questions jusqu’alors incomprises ou au moins mal interprétées. Le Traité théorique et pratique de l’impression des tissus nous parait donc, sous tous les rapports, appelé à marquer une ère nouvelle pour l’art précieux des indiennes. Quant à la place qu’il doit occuper dans la technologie, M. Persoz semble l’avoir marquée lui-même en mettant son œuvre sous le patronage de deux noms illustres depuis long-temps dans les sciences et dans l’industrie à ceux de MM. Chevreul et Daniel Koechlin.


E. LAMÉ FLEURY.