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M. Barrot et M. Guizot, lutter ensemble avec autant d’énergie que de mesure. L’illustre et vieux O’Connell assistait à la séance où a parlé M. Guizot ; le fâcheux état de sa santé ne lui a pas permis de visiter nos principaux personnages politiques, et a rendu nécessaire son prompt départ pour l’Italie. Puisse son séjour à Rome ranimer ses forces, qu’ont épuisées quarante ans de travaux et de combats !

Nous n’aurions reçu du débat sur la réforme électorale que de graves et fécondes impressions sans un triste incident qui est venu en altérer la grandeur et l’impartialité : nous voulons parler de la violence injuste avec laquelle on a empêché M. de Carné de donner à la chambre des explications qu’avait rendues nécessaires l’agression de M. Odilon Barrot. Quand la nomination de M. de Carné à la direction commerciale des affaires étrangères a été officiellement connue, nous n’avons pas cru, par une réserve peut-être exagérée, faire ici l’éloge mérité d’un de nos amis ; mais aujourd’hui c’est pour nous l’accomplissement d’un devoir que de rappeler les titres de M. de Carné à la confiance du gouvernement et à l’estime de tout le monde. M. de Carné n’est pas un intrus aux affaires étrangères ; il y était attaché sous la restauration ; à cette époque, il appartenait au corps diplomatique et a été chargé de plusieurs missions, notamment à Lisbonne. Depuis vingt ans, les questions de politique extérieure ont toujours été l’objet de ses études, et lui ont inspiré des travaux remarquables tant par la variété des connaissances et la rectitude du jugement que par un patriotisme élevé. Au poste important où il vient d’être appelé, M. de Carné rendra d’utiles services, et le gouvernement a eu raison de s’attacher un homme d’un vrai mérite et du plus honorable caractère.

Après la réforme électorale, ce sera le tour de la réforme parlementaire, c’est-à-dire des incompatibilités. Sans parler aujourd’hui du fond de la proposition de M. de Rémusat, nous dirons qu’elle nous paraît destinée, plus encore que la réforme électorale, à voir s’élever contre elle, de la part du cabinet, une fin de non-recevoir tirée de l’inopportunité. Quelle serait la situation d’une chambre qui, dès la première année de sa législature, mettrait en suspicion le caractère d’un grand nombre de ses membres ? Telle est la question que le ministère se propose de poser. M. de Rémusat a senti lui-même la gravité de l’objection, puisqu’il ne demande la mise en vigueur de sa proposition qu’aux prochaines élections générales. Cette restriction ne lève pas la difficulté, car, si la proposition était admise dès la première session, n’est-il pas évident qu’une dissolution serait moralement inévitable ? Dans la législature dernière, c’est seulement à la troisième session que le gouvernement a déclaré ne pas s’opposer à la prise en considération. Aussi on assure que le cabinet invoquera surtout la convenance de renvoyer une pareille discussion à une époque ultérieure de la législature. D’un autre côté, puisque la chambre a consenti à ouvrir un premier débat sur la réforme électorale, ne doit-elle pas tenir la même conduite pour la réforme parlementaire ? Ces deux questions ne sont-elles pas liées étroitement l’une à l’autre ? On parle aussi de progressistes qui voudraient prendre une revanche. On voit que la discussion intérieure des bureaux pour savoir si on autorisera la lecture de la proposition aura déjà de la gravité. Au reste, après les fêtes de Pâques, d’importantes questions d’affaires vont demander à la chambre tout ion zèle, toute son activité. Ces questions appellent aussi toute la sollicitude