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dehors repose précisément sur l’indépendance pacifique qu’elle garde envers chacun, sur le respect qu’elle professe pour tous les droits, pour toutes les situations consacrées par le temps et les traités.

Nous en avons la preuve à Constantinople. Là, notre représentant s’est trouvé dans l’obligation de donner à la Porte des conseils de modération pour la conduite qu’elle avait à tenir envers le gouvernement grec dans le différend qui s’est élevé à l’occasion de M. Mussurus. M. de Bourqueney a montré tant de franchise et une sollicitude si sincère pour les véritables intérêts du sultan, que, tout en plaidant la cause de la Grèce, il a acquis de nouveaux droits à la confiance de la Porte. Il faut aussi reconnaître que, dans cette circonstance, M. Wellesley s’est montré le digne représentant de l’Angleterre intelligente ; il n’a pas cherché à exciter contre nous le mécontentement de la Porte en cherchant à lui persuader que la France prenait hautement le parti de la Grèce. Tout en défendant la dignité du gouvernement du sultan, il lui a toujours fait voir que sa véritable sécurité était dans l’appui de l’Angleterre et de la France. Pourquoi Athènes nous présente-t-elle un spectacle si différent ? La tranquillité de la Grèce n’est pas tant menacée par les conséquences que peut amener l’incident relatif à M. Mussurus que par le mauvais vouloir de l’Angleterre. Il faudra bien trouver un expédient diplomatique qui termine la difficulté pendante entre Athènes et Constantinople. On sait déjà que le sultan a dû répondre au roi Othon. Une collision est impossible à ce sujet ; l’Europe ne la permettrait pas. Ce qu’il y a de plus à craindre pour la monarchie du roi Othon, c’est le projet qu’on prête au gouvernement anglais d’insister plus vivement que jamais sur le paiement qui lui est dû pour l’emprunt contracté par la Grèce. Lord Palmerston irait jusqu’aux démonstrations les plus hostiles ; il enverrait des vaisseaux au Pirée, et, pour se payer de ses propres mains, ferait saisir le trésor grec. Tels sont les bruits, telles sont les appréhensions dont on s’entretient à Athènes. Faut-il croire à de pareils desseins de la part du gouvernement anglais ? Si vive que soit son animosité contre le ministère de M. Coletti, il ne peut vouloir, pour lui arracher son portefeuille, risquer de renverser le trône du roi Othon, dont la chute réveillerait la question d’Orient dans ses complications les plus ardentes. C’en serait fait d’une pacification si difficilement obtenue, et nous verrions, sur un théâtre si longtemps ensanglanté, recommencer la guerre des races. Nous ne saurions imaginer qu’une si rude atteinte puisse être portée à la paix européenne par l’Angleterre ; elle ne doit pas oublier qu’il y a vingt ans, elle a contribué, avec la France et la Russie, à élever la monarchie constitutionnelle de la Grèce ; elle ne se donnera pas à elle-même un aussi triste démenti.

Pourquoi faut-il que nous retrouvions, encore l’action tracassière de la diplomatie britannique dans ce qui se passe en Espagne ? Ce n’est pas un mystère à Madrid que M. Bulwer a voulu se servir de François de Paula et de ses filles pour brouiller la reine et son mari, et pour entretenir entre les deux époux de fâcheux malentendus. Il est vrai que la famille royale n’a pas tardé à s’apercevoir de ces manœuvres, qui, de cette façon, n’ont pas eu tout le succès qu’on s’en promettait. M. Bulwer travaille aussi à séparer la reine du parti modéré. On représente les modérés comme exerçant sur la reine une surveillance presque irrespectueuse, et la reine comme ayant pour les progressistes une préférence marquée. Ces deux assertions sont également inexactes. Les modérés ne gênent