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REVUE. — CHRONIQUE.

plus facile à la France d’adopter le régime autrichien et d’excepter du régime de 1838 la Syrie, où ce régime nous ruine, comme l’Autriche en a excepté sa frontière ottomane ; la Porte aurait mille moyens de nous entraver. Le meilleur, croyons-nous, serait encore de s’en tenir pour le fond à ces conventions de lord Ponsonby et de l’amiral Roussin, sauf à modifier considérablement la rédaction et la proportion des tarifs. C’est là l’esprit d’une note assez récente adressée par M. de Metternich sur ce sujet aux cabinets de Paris et de Londres, document d’ailleurs très important comme tout ce qui sort de la chancellerie autrichienne relativement aux questions orientales. L’Autriche reconnaît que l’exécution des traités de 1838 n’a point été complète ; elle avoue qu’elle a tenu jusqu’ici pour indispensable et légitime la position mixte qu’elle s’est donnée en ne la pratiquant pas elle-même partout, mais elle accuse la Turquie de n’avoir pas rempli ses promesses à cause de ses embarras financiers, et elle montre que, les eût-elle toutes remplies, la différence des tarifs à l’importation et à l’exportation, substituée à leur ancienne égalité, n’en eût pas moins été un dommage considérable pour le commerce général des puissances alliées : elle propose donc de rétablir une égalité parfaite entre les droits de sortie et d’entrée ; à cette condition, elle accepte entièrement et pour toutes ses provinces une situation identique à celle de la France et de l’Angleterre ; elle dit même en termes significatifs que « l’exécution uniforme de nouvelles stipulations par toutes les puissances aurait l’avantage d’opposer à tout essai d’infraction la force d’une volonté commune ; » elle établit le bénéfice que la Turquie trouverait elle-même à dégrever ses exportations ; elle n’admet pas que ce dégrèvement doive s’opérer en chargeant l’importation de droits protecteurs qui seraient là fort malencontreux ; elle propose, comme compensation du rabais devenu nécessaire sur les droits de sortie, d’accorder quelque monopole inoffensif et raisonnable ; enfin elle insiste pour que, dans cette nouvelle organisation d’un tarif égal à la sortie comme à l’entrée, l’on compare les prix courans de tout l’empire et l’on ne prenne pas seulement pour étalons ceux de Constantinople. En un mot, meilleure répartition de l’impôt douanier, meilleure révision du prix des matières imposées, le tout avec le dédommagement et les garanties légitimes : voilà le programme autrichien touchant la situation commerciale de la Turquie.

Nous ne voyons pas quelles seraient les grandes dissidences qui empêcheraient la France et l’Angleterre de se joindre ici aux vues de M. de Metternich ; l’intérêt des trois hautes puissances est le même, puisqu’elles ont devant elles un même adversaire. Nous espérons donc que des négociations poursuivies avec cet ensemble et cette imposante autorité ne resteront pas sans effet sérieux. La nouvelle position attribuée à la Russie par le traité de Balta-Liman, cette conversion subite à des idées dont les premiers auteurs proclamaient au moment même tous les inconvéniens, ces singulières complaisances pour un gouvernement faible que l’on n’y a jamais habitué, tout cela doit tenir en éveil l’attention des diplomaties. Il est sans doute besoin de grands ménagemens avec le cabinet turc, surtout dans des réformes où les embarras se compliquent des résistances du vieil esprit municipal ; les corporations ont la haute main sur les métiers et le trafic ; on a rencontré là tout dernièrement encore des obstacles jusqu’ici insurmontables quand il s’est agi de la rédaction d’un nouveau code de commerce ; néanmoins les puissances de l’Occident ont tout droit de compter