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absolue du commerce la base des relations de ces deux états, subsistait encore dans toute sa force. Il n’y a peut-être pas d’exemple plus instructif des effets déplorables que peut produire un tel principe appliqué à des états placés dans des conditions d’industrie et de richesse très inégales. Le Portugal vendait à l’Angleterre ses vins, ses fruits, ses cotons bruts et ses bois précieux. L’Angleterre lui envoyait en retour ses tissus de laine et de coton, ses fers, ses aciers et tous ses objets de luxe. Il n’y avait aucune proportion entre ces échanges. Les produits exotiques du Portugal et de ses colonies ne pouvaient entrer en balance avec la masse innombrable de marchandises fabriquées dont les Anglais inondaient les marchés de Lisbonne et d’Oporto. En l’absence de tarifs protecteurs, l’industrie nationale n’avait pu se développer. Toutes les richesses naturelles des Portugais étaient devenues improductives entre leurs mains incultes, et il en était résulté un appauvrissement graduel du pays. Les Anglais, au contraire, grace à la multiplicité de leurs capitaux et à l’activité de leur génie mercantile, avaient supplanté les Portugais dans l’exploitation du commerce indigène. Lisbonne et Oporto étaient devenues de véritables factoreries anglaises qui avaient fini par absorber presque tous les capitaux du Portugal, en sorte qu’avec les apparences d’un état indépendant, ce royaume était bien réellement descendu à la condition d’une colonie anglaise. L’Angleterre régnait à Lisbonne en maîtresse absolue : elle y régnait par la triple puissance de l’argent, de l’habitude et de sa marine. Tous les Portugais riches et pauvres, habitans des villes et des campagnes, étaient devenus, à des degrés divers, ses tributaires : tous s’étaient pliés, façonnés à sa domination. De temps en temps, leur orgueil stérile s’indignait contre la pesanteur du joug. Il était de bon goût, dans les salons de Lisbonne, d’appeler une occasion et un homme pour s’en affranchir ; mais ces aspirations vers une indépendance impossible s’évaporaient en vaines paroles, et personne ne songeait sérieusement à rompre en visière avec une puissance formidable qui avait saisi dans le vif et qui maîtrisait entièrement tous les intérêts du pays.

Les relations d’affaires des Anglais avec le Portugal, très actives en tous temps, avaient pris, depuis le commencement de la guerre maritime, un développement immense. Ils avaient fait de Lisbonne le principal entrepôt de leurs marchandises dans le midi de l’Europe. Les produits des deux mondes affluaient dans cette capitale ; les quais en étaient encombrés, et les magasins ne suffisaient plus pour les contenir ; il avait fallu construire de vastes hangars pour les recevoir et les abriter. De Lisbonne, ces marchandises se répandaient, par toutes les issues, dans le reste de la Péninsule. La plus grande partie était rechargée sur des navires anglais, transportée sur les côtes d’Espagne et introduite, par l’intermédiaire des contrebandiers, dans l’intérieur de