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confiante. Son enseignement descendit peu, du moins à Bicêtre[1], vers les régions extrêmes de l’idiotie, ou, dans tous les cas, ce fut sans beaucoup de succès. A Dieu ne plaise que je refuse cependant une valeur réelle aux courageux efforts de M. Séguin ! Auteur depuis 1842 de différens écrits qu’il vient de réunir et de compléter tout dernièrement en un corps d’ouvrage, il a su indiquer un système d’éducation assez heureusement applicable aux défauts et aux infirmités de naissance. Pourquoi faut-il qu’un ton sec, tranchant, hargneux, froisse et déconcerte à chaque page de son livre la sympathie qui commençait à naître ? Heureusement pour M. Séguin, ses travaux valent mieux que la forme dont il les a revêtus, et, si les résultats obtenus par lui restent quelque peu au-dessous de ses promesses, du moins ne sont-ils plus de ceux qu’on passe sous silence.

Pour ne rien négliger de ce qui peut servir à préciser l’état actuel de la science vis-à-vis des idiots, et pour rendre strictement à chacun selon ses œuvres, il faut encore mentionner les beaux travaux de M. le docteur Foville sur les déformations du crâne et sur les altérations intérieures du siège de nos facultés. Éclairés maintenant sur ce que la médecine a fait pour préparer le traitement de l’idiotie, entrons dans l’étude des phénomènes de cette mystérieuse infirmité. Au seuil de cet enfer moral, où la nature intelligente perd tout à coup ses attributs, il faut que l’homme s’arme d’un certain courage et se couvre en quelque sorte d’une charité plus grande que tous les abaissemens, s’il ne veut point rougir devant son image dégradée.


II. – IDEE DE L'IDIOTIE. – CARACTERES PHYSIOLOGIQUES DE L'IDIOT.

Il y a entre l’idiotie et les maladies purement physiques une limite nettement tracée par la nature. En voyant la fraîcheur attristante et la constitution robuste de quelques jeunes imbéciles, il nous est arrivé plus d’une fois de comparer tacitement leur état de santé extérieure à la vieillesse maladive de certains grands hommes, le cardinal de Richelieu par exemple, dont le demi-cadavre dictait encore des lois à l’univers. Tant que le cerveau est sain, l’être intelligent peut bien souffrir, mais il ne descend pas. L’idiotie se rapproche-t-elle davantage des maladies mentales proprement dites ? Comme les fous, ces intelligences blessées, ont été souvent confondus dans nos hospices avec les imbéciles, il n’est pas inutile de noter, en passant, les traits qui les séparent. Si l’on peut définir l’aliéné par ces mots de Dante : Che han

  1. Je tiens d’un médecin fort distingué et très compétent que M. Séguin se serait livré hors de l’hospice au traitement de véritables idiots dont il aurait amélioré la situation. C’est surtout là qu’il aurait fait preuve d’un esprit inventeur.