Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/336

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’ils n’avaient d’autre mérite que de compter parmi les foyers de cette vie nocturne ; ce serait un détail de mœurs et rien de plus. Il est un de ces cercles du moins, — l’Athénée, — qui a un autre caractère ; l’esprit d’association qui l’a produit, en se faisant jour après la terrible compression de Ferdinand VII, a eu un résultat plus digne d’attention et d’intérêt.

L’Athénée, en effet, n’est pas seulement un lieu de réunion choisie. La société qui l’a fondé a compris différemment son rôle, et c’est là qu’est son honneur ; elle a réussi à en faire une véritable institution. En 1835, époque où naquit l’Athénée, c’était prendre une noble initiative que d’établir des cours, de créer des chaires de politique, de législation, de littérature nationale et étrangère, de linguistique, de sciences exactes, et d’ouvrir ainsi une sorte d’arène à tous les hommes d’une intelligence marquante. Les uns sont venus se préparer, dans ces travaux d’enseignement, à un rôle plus éminent ; d’autres, vaincus dans la politique active, viennent encore s’y reposer de leurs défaites et s’y consoler peut-être de leurs déceptions. Les meilleurs écrivains que l’Espagne puisse citer se sont transmis et ont exercé tour à tour ce libre professorat ; il y a eu des cours de MM. Moron, Seijas Lozano, Benavidès, sur l’histoire, la science administrative, l’économie politique. M. Serafin Calderon, qui, sous le nom d’el Solitario, a écrit de charmans essais sur les gitanos, y a professé l’arabe avec talent. Je citerai quelques leçons très élevées et malheureusement interrompues de M. Pidal sur l’histoire de la civilisation espagnole. Les cours les plus dignes d’attention, à divers titres, qui aient été faits à l’Athénée sont, je pense, ceux de MM. Alcala Galiano, Donoso Cortès et Pacheco sur le droit politique.

M. Alcala Galiano est un des publicistes, un des orateurs les plus connus de l’Espagne moderne. Il était déjà renommé à l’époque des premières luttes constitutionnelles. En 1823, sa voix fut une de celles qui avaient le don d’enflammer la multitude, de nourrir chez elle les illusions d’un patriotisme exalté et par malheur impuissant. Victime de la réaction qui triompha, il a vécu à Londres et à Paris durant la période décennale de 1823 à 1833. Il a vu et lu beaucoup pendant ce temps ; aussi n’est-il pas d’homme dont la mémoire soit plus remplie d’anecdotes, qui soit mieux initié à la connaissance des littératures étrangères, et qui se rapproche davantage des orateurs ou des écrivains de France ou d’Angleterre. M. Galiano a une facilité de parole qui n’appartient qu’à lui : son abondance est un prodige ; il excelle à faire vibrer cette belle langue espagnole, et il ne se lasserait pas de parler. Faut-il l’avouer toutefois ? cette abondance commence à ne plus être entretenue par les chaudes et vives inspirations de la jeunesse, et, quand la jeunesse manque à cette éloquence un peu extérieure