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le matériel que cette civilisation comporte, je regarde comme certain que la réduction du prix de revient serait beaucoup plus considérable encore, et qu’il se passerait dans le monde, sous le rapport de l’argent, quelque chose de semblable à ce qui suivit d’un demi-siècle la découverte du nouveau continent. Secondement, l’état politique, social et économique du pays barre le chemin aux améliorations. Dans la situation présente des choses, il serait chimérique d’espérer qu’elles s’introduisent d’une manière générale. Excepté le procédé de Medina, qui lui-même, dans des conditions industrielles pareilles à celles de l’Europe moderne, ne pourrait désormais se soutenir, tout est détestable dans l’exploitation et le traitement des mines. Tout se maintiendra cependant à peu près intact jusqu’à ce que le Mexique ait éprouvé dans sa constitution morale et matérielle une modification profonde. Celles des autres régions de l’Amérique qui pourraient produire beaucoup d’argent sont dans des circonstances analogues, et de même sous le joug du génie du retardement. Jusqu’à ce que donc un esprit nouveau se soit répandu sur l’Amérique espagnole, la valeur de l’argent dans le monde ne subira pas, du fait de l’Amérique au moins, de variation notable.

Mais aussi bien le Mexique est arrivé à ce point qu’une crise qui l’agiterait jusque dans ses fondemens et le renouvellerait, s’il est possible, ne peut plus beaucoup se faire attendre. L’épreuve de l’indépendance portée jusqu’à l’isolement absolu est terminée, et elle n’est pas favorable à ce régime. Depuis vingt-cinq ans qu’il ne relève que de lui-même, qu’il est sans alliés et sans guides, le Mexique, au lieu d’avancer en civilisation, marche en arrière ; il retombe dans la barbarie. Il est à ce point d’impuissance, que ce peuple généreux et brave, avec huit millions d’habitans, n’a pu empêcher une poignée d’aventuriers de lui ravir une riche province, le Texas, et que, dans sa lutte contre ces audacieux conquérans, il a vu ses armées dans la plus épouvantable déroute, son premier magistrat captif. En ce moment, une armée de quinze à vingt mille Américains du nord qui l’a envahi ne rencontre pas de résistance, et, si elle est arrêtée dans sa marche sur Mexico, c’est uniquement faute de s’être pourvue d’avance de moyens de transport pour ses bagages et ses munitions. Dans cet empire si bien doté par la nature, tout semble atteint par une fatalité inexorable. Les édifices même que les Espagnols avaient bâtis comme pour l’éternité s’écroulent, non par l’injure du temps, mais sous les coups de la guerre civile. La morale publique subit la même dégradation que les monumens. Les connaissances humaines s’éteignent ; c’est une civilisation qui a déjà un pied dans le tombeau. On ne croirait pas qu’on soit dans ces mêmes régions dont, il y a quarante ans, la prospérité se développait avec tant de vigueur, ou que ce soit le même peuple qui, pendant la guerre de l’indépendance, donna tant de preuves d’héroïsme.

Les hommes éclairés qu’a conservés le Mexique sentent que leur