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patrie est au bord de l’abîme, et ils se préoccupent des moyens de la sauver. D’un autre côté, l’ennemi est aux portes et presse pour s’introduire et démembrer l’état. Les États-Unis, entraînés par un esprit de conquête que leurs plus illustres citoyens n’encouragent cependant pas, et qui leur prépare des destinées inconnues, s’apprêtent à s’annexer successivement toutes les provinces mexicaines, et c’est devenu un lieu commun, des bouches du Mississipi au lac Ontario, que de s’entretenir de l’époque prochaine où le pavillon étoilé de l’Union flottera sur la cathédrale de Mexico. Nous serons témoins de cet événement d’ici à peu d’années, à moins que le Mexique, mettant à profit les sévères leçons qu’il a reçues, ne fasse pour se relever un effort sur lequel il semble que tout le monde ait cessé de compter.

La pensée de régénérer la patrie a revêtu, depuis peu d’années, parmi les Mexicains les plus distingués, une forme nouvelle plus salutaire que tout ce qui s’y était produit jusqu’à ce jour. Il s’agirait de constituer le pays en monarchie et d’emprunter à quelqu’une des maisons régnantes de l’ancien continent un prince intelligent et dévoué, qui apparaîtrait au Mexique comme le représentant de la civilisation européenne, sans laquelle la nation mexicaine ne saurait maintenir son existence. Le système de la république fédérale et celui de la république centralisée sont jugés au Mexique par quiconque a des yeux pour voir ; tant de secousses, tant de désastres, tant de scandales, ont détruit toutes les illusions d’il y a vingt-cinq ans. Il convient même de le rappeler, la lutte contre la métropole eut pour objet, non pas l’établissement d’une république, mais bien celui d’un gouvernement monarchique séparé. Lorsque, en 1821, Iturbide proclama à Iguala le programme auquel se rallia la nation entière avec enthousiasme, et devant lequel les troupes espagnoles et le vice-roi O’Donoju inclinèrent leurs épées, il s’agissait de fonder à Mexico un trône constitutionnel indépendant, et le sceptre devait être offert d’abord à Ferdinand VII, à condition qu’il vînt habiter la Nouvelle-Espagne ; après lui, à l’un des infans, et, à défaut de ceux-ci, à quelque prince d’une des maisons régnantes de l’Europe. Ferdinand VII commit l’irréparable faute de refuser pour les infans comme pour lui-même. Dans ces temps-là, où la légitimité avait tous les hommages des cabinets et où l’idée de reconnaître les états nés de l’insurrection semblait sacrilège, aucune des grandes puissances ne put songer à se substituer à la maison d’Espagne. C’est ainsi qu’après l’empire éphémère d’Iturbide, la république prévalut parmi les Mexicains ; mais ce ne fut que comme un pis-aller et parce qu’on ne pouvait prendre autre chose.

La fondation d’un gouvernement monarchique, qui eût été très aisée en 1821, est difficile aujourd’hui. Il y a au Mexique une opinion publique de convention, vrai patriotisme de place, qui repousse la monarchie.