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chemins de fer prussiens, ce sera certainement un lien de plus, un lien puissant entre les deux états, qui cherchent maintenant à se rapprocher.

L’Autriche a émis un emprunt de 150 millions, la Bavière a fait de même ; la France a négocié un emprunt de 200 millions de francs, qu’elle n’a pas même réalisés tout de suite ; la Russie en a ouvert un autre de 50 millions de roubles ; la Prusse aurait-elle donc été le seul pays de l’Europe qui se frustrât lui-même de cette exploitation du crédit national, dont tous les autres tirent si bon parti ? Et pourquoi ? Pour échapper aux éventualités d’une réforme intérieure, pour ajourner encore la convocation de cette grande assemblée, dont la loi de 1820 exige le concours en matière d’emprunt ? Cette assemblée est maintenant convoquée, et la Gazette d’État nous dit qu’il ne lui sera point parlé d’argent. L’attente universelle de la Prusse serait-elle donc si fort trompée, et le gouvernement se serait-il donné un embarras politique sans même sortir à ce prix-là des embarras financiers ? M. Bülow-Cummerow explique avec beaucoup de clarté les avantages de cet emprunt anglais, qu’il porte à 20 ou 25 millions de thalers, et montre comment il n’en coûtera que 2 et demi pour 100 d’intérêt, tandis que l’on garantit 4 pour 100 aux compagnies particulières. Il voudrait, d’ailleurs, qu’une réforme générale dans l’administration des finances, qu’une plus grande circulation de papier, que la création d’une banque nationale indépendante du gouvernement, vinssent aider la grande opération de l’emprunt et forcer les capitaux à se distribuer plus régulièrement sur le territoire prussien.

L’organisation d’une banque libre à côté de la banque royale de Prusse est notamment une des préoccupations favorites du laborieux publiciste. Admis à exposer ses raisons en présence du roi lui-même au sein du conseil des ministres, M. Bülow-Cummerow crut un instant avoir converti son plus illustre auditeur. Il a été détrompé par l’ordre de cabinet du 11 avril 1846, qui développe et réglemente la banque royale, bien loin de lui créer une concurrence. M. Bülow a imprimé les mémoires qu’il avait rédigés ; il en appelle du prince et des ministres au public, qu’il met ainsi dans la confidence. C’est un trait assez caractéristique du gouvernement actuel de la Prusse, que cette introduction d’un particulier dans les conseils du gouvernement, le monarque l’autorisant à plaider là pour son opinion contre celle de tel ou tel conseiller, et jugeant lui-même en dernier ressort.

La Prusse est, jusqu’à présent, restée de beaucoup en arrière dans la pratique des institutions de crédit. Les banques gouvernementales ont, depuis long-temps, été transformées partout en associations particulières, excepté en Russie et à Berlin. La banque royale de Prusse, par le fait même de sa constitution, n’offre point de ressources suffisantes au commerce et à l’industrie, ne permet point d’essor à la fortune nationale. L’état lui confie, pour les rendre à la circulation et en tirer intérêt, les fonds qui dormiraient stérilement dans les caisses publiques ; elle conserve l’argent des fondations de charité, elle reçoit également les capitaux des mineurs en dépôt provisoire, jusqu’à ce que les tuteurs en aient trouvé l’emploi ; enfin le trésor lui laisse 2 millions de thalers sans intérêt, mais elle n’a point du tout de fonds qui lui soient propres, elle travaille uniquement sur les dépôts qu’on lui fait, et qui s’élèvent à 28 millions de thalers. Obligée, par conséquent, d’obéir d’un instant à l’autre à des demandes de remboursement, la banque de Prusse n’est jamais maîtresse d’un argent qu’elle doit toujours