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quel qu’il soit, à la condition de le tenir pour le germe d’un nouveau progrès. Il formule ses espérances d’une façon catégorique ; à côté du trône, dont tous les droits établis seraient respectés, il souhaite une assemblée générale, réunie tous les ans. Cette assemblée n’aurait pas le droit, de refuser l’impôt, mais il faudrait cependant lui soumettre le budget ; la chambre des seigneurs admettrait dans son sein un nombre déterminé de membres à la nomination royale, des évêques et des surintendans évangéliques, les bourgmestres des douze villes les plus importante de la monarchie, un membre de chacune des six universités prussiennes. Il n’y aurait plus ni diètes provinciales de deux ans en deux ans, ni comités tous les quatre ans. On supprimerait donc ces rouages qui arrêtent toutes les affaires au lieu de les accélérer, ces dépenses qu’entraînent tant d’assemblées sans cesse renouvelées (les députés reçoivent une indemnité durant la session). Il ne resterait que la grande réunion des huit diètes de provinces, qui, convoquée simultanément et annuellement, recevrait le nom qu’elle n’a point encore et ne saurait porter, le nom et les droits d’états-généraux (Reichsstânde). Peut-on aujourd’hui consentir un emprunt qui soit légal, sans avoir, à proprement parler, cette qualité d’états-généraux dont il est question dans la loi des finances du 17 janvier 1820 ? Voilà le premier point litigieux que M. Bülow semble pressentir pour les discussions qui ont commencé au 11 avril ; ce serait un débat de compétence. Il est clair qu’il y a bien des contradictions dans l’avenir que M. Bülow se plait à imaginer pour l’édifice constitutionnel de la Prusse ; il y a bien des ressorts qui jouent mal ensemble, et le grand problème n’est pas, tant s’en faut, résolu : comment fera-t-on vivre d’accord une royauté absolue et une nation délibérante ? Ce qu’il y a de sûr, c’est que la Prusse entière, prince et peuple, aborde aujourd’hui la difficulté avec un double sentiment très propre à la vaincre, avec une grande confiance et un grand esprit de conciliation.

Kœnigsberg et les gens de Kœnigsberg, c’est encore de la politique, mais beaucoup moins savante et beaucoup plus sentimentale que celle de M. Bülow-Cummerow ; c’est l’expression d’un même besoin de réformes, d’un même désir de vie nouvelle, non plus, il est vrai, dans le langage sérieux des chiffres ou du droit, mais sous les formes assez naïves d’une éloquence un peu provinciale. L’auteur est un litterat de Koenigsberg tout plein des merveilles de ce mouvement public auquel il assiste. Ce petit livre est curieux et, jusqu’à certain point, amusant, parce qu’il donne une idée très vive des habitudes et du genre d’esprit d’une bourgeoisie originale et forte entre toutes les bourgeoisies des cités prussiennes. Nous ne saurions mieux représenter ici ce qu’est aujourd’hui Kœnigsberg, nous ne lui trouvons nulle part de si juste ressemblance qu’en rappelant à des lecteurs français ce que fût autrefois Sedan, une ville marchande et guerrière, religieuse et savante, une place à moitié indépendante sur la frontière. On ne sait pas du tout en France jusqu’à quel point les libertés municipales sont hardies et absolues en Prusse ; les cités prussiennes sont vraiment de petites républiques, nommant elles-mêmes tous leurs magistrats, faisant leur police et réglant leur budget à leur guise. Il n’y a pas deux mots dans la langue allemande pour dire citoyen et bourgeois. Kœnigsberg jouirait, s’il était possible, de privilèges encore plus étendus. Le voisinage de la domination moscovite redouble là le zèle politique, et le Russe n’est en aucun endroit peut-être aussi détesté que dans ce poste d’avant-garde ; il semble que le génie prussien ait porté tout exprès