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soit beaucoup occupé, il a failli y avoir, il y a quelques jours, un engagement entre les troupes des deux pays aux bords de la Bidassoa ; les journaux de la frontière ont rapporté l’affaire en détail. L’Espagne élève depuis long-temps des prétentions à la propriété entière des eaux de la Bidassoa, et ces prétentions, qui ne se fondent sur aucun traité, sont naturellement contestées par la France : c’est là une question toute diplomatique à vider ; mais les autorités espagnoles ne laissent pas passer une occasion d’exercer ce droit, qui leur est disputé. Une de ces occasions s’est offerte tout récemment. Un navire de commerce français est entré dans la Bidassoa, et les autorités de Fontarabie ont voulu lui faire payer les droits imposés aux bâtimens étrangers. Le capitaine de ce navire, qui n’était pas entré dans les eaux espagnoles, a refusé et a eu recours à l’autorité française pour le protéger à sa sortie contre une attaque de vive force dont on le menaçait. Il y a eu des négociations entre le chef d’état-major de M. le général Harispe et le capitaine de port de Fontarabie. L’autorité française a été obligée de faire arriver des troupes et quelques pièces d’artillerie pour protéger la sortie du navire, qui, heureusement, n’a pas été attaqué. Les journaux espagnols ont même rapporté que le général Urbistondo, commandant des provinces basques, qui est arrivé quelques heures après à Irun, avait exprimé avec une certaine vivacité son regret de ne s’être pas trouvé sur les lieux pour engager une lutte à main armée. Nous n’attachons pas plus d’importance qu’il ne faut à ces incidens, dont l’opposition espagnole s’est emparée cependant dans un but d’hostilité envers la France : nous savons que les bonnes relations entre deux pays ne sont pas à la merci de ces questions inférieures ; mais, si l’on réfléchit que sur toute la frontière hispano-française il y a de semblables débats de territoires, on comprendra qu’il importe de mettre un terme diplomatiquement à ces discussions, afin d’éviter qu’elles ne soient envenimées par les passions hostiles, comme cela a eu lieu déjà sous la régence d’Espartero. Malheureusement, nous le répétons, il est difficile de traiter ces questions avec des ministères qui ne font que passer au pouvoir. Trop souvent aussi la diplomatie croit au-dessous d’elle de s’occuper de ces affaires peu brillantes, d’où dépend cependant la tranquillité des populations des frontières. C’est un intérêt que notre gouvernement doit surveiller et protéger. Ses relations amicales avec l’Espagne doivent le porter à insister sur la solution de ces difficultés secondaires.

En Angleterre, on suit toujours avec un vif intérêt les affaires d’Espagne. On croit, à Londres, au rappel d’Espartero, qui serait rétabli dans tous ses honneurs. Cette réintégration serait la contre-partie de la nomination du général Narvaez comme ambassadeur à la cour des Tuileries. Il parait, au surplus, qu’Espartero et le comte de Montemolin, entre lesquels des négociations s’étaient entamées presque sous les auspices du gouvernement anglais, n’ont pu s’entendre. On assure que le prétendant est parvenu à réunir cinq millions de francs. Sur le fond même de la question espagnole, de vifs débats viennent de recommencer, non dans le parlement, mais dans la presse périodique, et on a généralement remarqué un article du dernier, numéro du Quarterly Review, qui aurait été rédigé sous l’inspiration de lord Aberdeen. Le langage de l’écrivain est modéré, bien que se pensée soit hostile au gouvernement français ; son but principal est de réfuter la thèse favorite de lord Palmerston au sujet du traité d’Utrecht. En Angleterre, — ce n’est pas comme en France, — les hommes politiques et les