Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

erreurs ! Ce qu’il y a de plus extraordinaire peut-être, c’est qu’à l’appui, de ces assertions on ose invoquer l’expérience, alors que, depuis plus de trois mille ans, l’expérience ne se lasse pas de protester. Dans quel temps et dans quel pays l’expérience a-t-elle montré que la libre importation des denrées étrangères ruinait la culture ? Où sont les faits qui viennent à l’appui de cette donnée ? Qu’on ouvre l’histoire, qu’on la parcoure tout entière, qu’on ne s’arrête devant aucune limite ni de lieux ni de temps, et si on y trouve un seul fait, un seul, qui autorise ces étranges assertions, nous nous déclarons convaincu. En attendant, on pourrait en trouver mille qui attestent le contraire. La France a fait cette expérience, on vient de le voir, jusqu’en 1814, pour toutes les denrées agricoles, et jusqu’en 1849 pour les grains. A quelle époque son agriculture s’en est-elle mal trouvée ? Et pourtant, exposée à tous les périls de la liberté, si la liberté a des périls, l’agriculture française n’en recueillait pas alors tous les avantages, puisqu’elle était privée, quant au plus important de ses produits, les céréales, de la précieuse faculté d’exporter. Cette expérience, que nous avons faite jusqu’en 1814, la Belgique l’a continuée bien plus long-temps que nous, et jusqu’après 1830. Séparée de la France après la chute de l’empire, elle dut à la sage persévérance du roi Guillaume, que nous ne cesserons jamais de louer en cela, de conserver un régime beaucoup plus libéral que le nôtre. A la faculté d’importer, maintenue sans restriction et sans réserve, le gouvernement ajouta son complément nécessaire, la faculté d’exporter. Qu’arriva-t-il ? Non-seulement la Belgique fut exempte, durant cette période de quinze années, des disettes cruelles qui affligèrent plusieurs fois l’Angleterre et la France, mais encore son agriculture fit des merveilles, et l’on peut se souvenir qu’à cette époque elle nous était présentée sans cesse comme un modèle offert à notre imitation. Depuis ce temps, on ne le sait que trop, sous l’empire des lois restrictives, la situation de la Belgique a bien changé. Faut-il citer les pays compris dans l’association douanière allemande, pays où l’importation des produits du sol a été libre jusqu’en 1833, et cela sans péril, disons mieux, avec un avantage marqué pour la culture ? Citerons-nous encore la Suisse, où cette même liberté n’a pas cessé de régner jusqu’à ce jour ? Ce ne sont pas là, du reste, les seuls pays de l’Europe où les denrées agricoles aient été ou soient importées sans droits. Grace au ciel, cette liberté d’importation est encore aujourd’hui la loi commune, et les peuples qui ne l’adoptent pas font exception. Or, en quel lieu et en quel temps a-t-elle jamais été ruineuse pour la culture ? Ce qui est vrai, c’est que partout où la liberté règne tant à l’importation qu’à l’exportation des produits du sol, l’agriculture prospère, tandis qu’en France, où l’importation étrangère est entravée par