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L’Angleterre, au temps même où les lois restrictives y étaient dans leur vigueur, avait su échapper à cette dernière conséquence du système, en exemptant de la loi commune la plupart des matières réclamées par les manufactures. En France, où l’on n’a pas usé des mêmes réserves, toutes les conséquences du système ressortent à la fois, bien qu’avec moins de gravité par rapport aux subsistances. Du même coup, l’existence a été rendue plus chère pour l’ouvrier et son salaire réduit ; le fardeau retombe sur lui d’un double poids. Vainement essaierait-on d’échapper à la rigoureuse évidence de ces vérités. Ce n’est pas la logique seule qui parle ici ; l’expérience est là qui confirme hautement ses déductions.


IV.

Nuisibles aux consommateurs en général, oppressives pour les manufactures, funestes surtout aux classes ouvrières, les restrictions qui s’appliquent aux denrées agricoles sont-elles du moins favorables à l’agriculture, qu’elles ont particulièrement en vue de protéger ? On a déjà pu reconnaître qu’elles ne lui sont pas nécessaires, et ce seul fait nous autoriserait à les condamner. Il s’agit de savoir si elles lui sont du moins utiles ; c’est ce qu’il nous reste à examiner.

Avant toutes choses, il faut s’entendre. On nous permettra de distinguer avec soin la cause de l’agriculture proprement dite de la cause des propriétaires fonciers, avec laquelle on affecte presque toujours de la confondre. Que les propriétaires aient un intérêt réel, ou du moins un intérêt présent, à ce que la valeur vénale des produits du sol s’élève d’une manière artificielle sous l’influence des tarifs protecteurs, cela n’est guère douteux, quand on ne considère surtout que le fait immédiat de ces mesures ; car elles leur permettent d’élever d’autant leurs fermages, et c’est ce qu’on a vu dans tous les temps. Nous n’examinerons pas si cet avantage qu’ils en retirent est aussi grand qu’on le suppose, s’il n’est pas pour eux-mêmes sujet à de tristes retours ; ce que nous tenons à établir dès à présent, c’est qu’il y a ici deux causes distinctes. Il nous semble que ce grand mot : l’intérêt de l’agriculture, dont on s’est autorisé souvent pour faire adopter tant de mesures funestes, n’est susceptible que de deux interprétations raisonnables. On peut entendre par là, ou l’intérêt de la population agricole, qui se compose des fermiers, des métayers et des nombreux ouvriers qu’ils salarient, ou bien l’intérêt de la culture même, c’est-à-dire de la bonne et fructueuse exploitation du sol. En aucun sens, il n’est permis de confondre ces intérêts généraux avec l’intérêt particulier, et, à certains égards, exclusif des propriétaires du sol. Laissant donc en dehors la cause des propriétaires fonciers, c’est à ce double point de vue du bien-être