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de la classe agricole et du progrès de la culture que nous envisagerons la question.

Il est d’abord certain que les cultivateurs, fermiers ou métayers, ne profitent pas du renchérissement artificiel que les lois restrictives entraînent, et la raison en est simple : c’est que, s’il existe, à l’ombre de ces lois, une sorte de monopole pour les exploitations rurales, en ce que le nombre de ces exploitations est borné par la nature, et par conséquent au profit des propriétaires du sol, il n’en existe aucun pour les cultivateurs. Pour ces derniers, la concurrence demeure, sous l’empire du système restrictif, aussi large, aussi entière qu’auparavant. Dès-lors, et par l’effet seul de cette concurrence, leurs bénéfices sont invariablement ramenés au même niveau, niveau déterminé par l’importance du capital que l’exploitation exige et par le taux général des bénéfices dans le pays. Que la denrée se vende donc ordinairement à plus haut prix, peu leur importe au fond ; ils n’en gagneront ni plus ni moins ; le taux plus ou moins élevé des fermages compensera toujours la différence. Certainement tout cultivateur désire que les prix haussent sur le marché, et, quand la hausse n’est qu’accidentelle, il en profite par occasion ; mais il n’est pas moins certain que si cette cherté, au lieu d’être seulement accidentelle, devient permanente et normale, le prix des baux s’élève, et c’est en fin de compte le propriétaire seul qui en recueille le fruit. Que les partisans du système protecteur, qui parlent sans cesse de pratique, veuillent bien nous dire si la pratique journalière de toute la France ne confirme pas hautement cette vérité. Il est donc constant que le renchérissement artificiel causé par les lois restrictives ne tourne point à l’avantage des’ cultivateurs. En quel sens dès-lors et par quelle voie pourrait-il profiter aux ouvriers que ces cultivateurs emploient ? Si ces derniers n’y gagnent rien, comment pourraient-ils faire partager aux hommes qui les secondent ou qui les servent un bénéfice qu’ils ne font pas ? Disons-le donc hautement, il n’est pas vrai que la classe agricole proprement dite, ouvriers ou maîtres, soit le moins du monde intéressée à la conservation du système protecteur. Les réclamations qu’on élève à cet égard, au nom des cultivateurs et de leurs ouvriers, accusent, ou une étrange irréflexion, ou, ce qui est malheureusement trop ordinaire, une pensée égoïste, qui se déguise mal sous un spécieux prétexte d’intérêt public.

En fait, que voyons-nous ? Dans cette France, où des lois si prévoyantes et si sévères protègent, dit-on, l’agriculture, en imposant à la masse des consommateurs un lourd tribut, quel est le sort des hommes voués aux travaux des champs ? La misère décime les uns, l’expropriation ruine les autres ; la gêne, le malaise, la souffrance, les atteignent tous. Nous avons vu, il est vrai, sous la restauration et à la suite de l’établissement des lois restrictives, la fortune des propriétaires, capital et