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commerce libre, la France et l’Angleterre, par exemple, verraient probablement, année commune, la somme de leurs importations en produits agricoles excéder dans une certaine mesure la somme de leurs exportations, tandis que des contrées neuves comme celles qui bordent la mer Noire, et dont la production agricole constitue presque la seule richesse, ne se livreraient guère qu’à l’exportation de ces denrées, sans recourir pour leurs propres besoins à celles du dehors, et prendraient ordinairement des marchandises d’un autre genre en retour. Rien n’est plus logique assurément que cette double tendance. Il ne faut pourtant pas croire qu’elle soit aussi forte, aussi absolue qu’on le suppose souvent, et qu’elle conduise les peuples les plus riches à n’avoir plus jamais de produits du sol à exporter. Si leur production agricole ne s’accroît pas tout-à-fait en raison du progrès de leur population et de leur richesse, elle est néanmoins susceptible de s’accroître dans une très large mesure, au point de pouvoir alimenter toujours un commerce important. Aussi, que de tels pays fassent souvent appel aux denrées étrangères, ce n’est pas une raison pour qu’ils n’envoient pas en même temps au dehors des quantités notables des leurs. L’importation et l’exportation peuvent et doivent même s’y croiser en quelque sorte et s’y effectuer à la fois. C’est ainsi, par exemple, que la France pourrait fort bien, et cette hypothèse, qui s’est déjà réalisée, se réaliserait encore si le commerce y était libre, recevoir des blés de la mer Noire dans ses ports du midi, et exporter en même temps par ses ports de l’ouest ou du nord de notables parties de ses propres blés pour l’étranger. C’est encore ainsi qu’elle pourrait recevoir des lins et des chanvres bruts des bords de la Baltique, des vins de l’Espagne ou de l’Italie, des huiles d’olive de diverses contrées méridionales, des bestiaux de l’Allemagne, de la Suisse ou de la Sardaigne, des graines oléagineuses du nord de l’Europe, de la Syrie ou de l’Égypte, et faire néanmoins au dehors un commerce important de ses lins et de ses chanvres, de ses huiles d’olive, de ses graines oléagineuses, de ses bestiaux et surtout de ses vins.

Non-seulement un tel commerce n’est pas interdit aux pays couverts d’une population nombreuse, mais c’est encore à eux qu’appartiendrait en cela le premier rang. Que les pays neufs exportent habituellement plus qu’ils n’importent en denrées agricoles, cela doit être, et on vient d’en voir la raison ; mais leurs exportations sont toujours en somme peu considérables, parce que leur production est bornée comme leurs moyens. Qu’est-ce, après tout, que cette production des contrées riveraines de la mer Noire comparée à la consommation de pays tels que l’Angleterre ou la France ? Rien ou presque rien. La production en lins et en chanvres des contrées qui bordent la Baltique est proportionnellement plus forte, parce que, cette marchandise étant moins encombrante,