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plusieurs autres, la consommation intérieure a plutôt diminué qu’augmenté. Il n’y avait aucune raison d’ailleurs pour que la production agricole ne s’accrût pas en même temps que la demande. Pourquoi l’agriculture n’aurait-elle pas suivi le progrès général ? Est-ce par hasard qu’elle serait aujourd’hui parvenue au dernier terme de sa marche ascendante ? Est-ce qu’elle ne serait pas susceptible d’augmenter la somme de ses produits en raison des besoins ? Il suffirait d’interroger les faits pour se convaincre du contraire. « On ne s’explique pas, disait en 1841 le rapporteur de la commission de la chambre des pairs à propos de la question des bestiaux, on ne s’explique pas au premier abord pourquoi les progrès de la production agricole ne suivent pas les progrès des besoins. » Et véritablement, il y a là quelque chose d’anormal, car il est de règle que toute industrie s’éveille, s’anime, se surexcite en présence d’une plus grande consommation à satisfaire. D’ailleurs ce même accroissement de la population et de la richesse, qui fait naître de plus grands besoins, fournit à l’agriculture les moyens nécessaires pour y pourvoir en lui permettant d’exercer une action plus énergique et plus puissante sur le sol. Aussi ce phénomène d’une agriculture stationnaire ou rétrograde en face de besoins croissans demeurerait-il inexplicable, s’il ne trouvait son explication toute naturelle dans l’effet ordinaire des restrictions.

Dirons-nous pour cela que le système protecteur tend à faire déserter la culture ? Ferons-nous sur ce point la contre-partie de ceux qui prétendent si plaisamment que la concurrence étrangère forcerait les cultivateurs à laisser nos terres en friche ? Non : rien de semblable n’est à craindre, sous quelque régime que ce soit, dans un pays civilisé et largement peuplé. La terre a trop de valeur dans ce pays, et le sol est un instrument susceptible de trop d’applications diverses pour qu’on l’abandonne jamais, surtout quand le premier travail du défrichement est terminé. Qu’arrive-t-il donc en pareil cas, et en quel sens est-il vrai que la production agricole se resserre sous l’influence du système restrictif ? Elle se resserre quant aux denrées qui demeurent exposées plus que d’autres à la concurrence étrangère, ou qui peuvent le moins se passer d’un débouché éventuel au dehors, et ce sont en général les plus usuelles, les plus utiles : de là, par rapport à ces denrées, un état ordinaire de pénurie. En revanche, elle s’étend quant à certaines denrées spéciales moins sujettes à cette double loi, et elle y produit presque toujours l’encombrement. Si l’on ne peut dire d’une manière absolue que la production se restreint sous un tel régime, il est du moins vrai qu’elle se dérègle, abandonnant dans une certaine mesure la plus noble, la plus utile partie de sa tâche, pour se rejeter de préférence sur des consommations de luxe, sur des cultures parasites et relativement stériles. La culture des céréales, la plus utile de toutes, est toujours la