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des courriers, a négligé de comprendre dans ses réformes cet autre élément essentiel de tout progrès sérieux et durable, le bon marché.

Dès que les grandes lignes de chemins de fer sillonneront, du nord au sud et de l’est à l’ouest, le territoire national, il ne restera plus rien à faire chez nous pour le transport des personnes. Tant que la taxe des lettres, au contraire, restera ce qu’elle est, un impôt onéreux pour le riche et absolument prohibitif pour le pauvre, on n’aura pas satisfait des besoins qui existent déjà et qui demandent encore à se développer. Le tarif des lettres agit aujourd’hui dans un sens inverse du tarif des places sur les chemins de fer et sur les voitures publiques ; il ressemble à notre système de douanes : au lieu de favoriser, de provoquer les correspondances, on dirait qu’il se propose d’en gêner et d’en limiter la circulation.

Quoique la réforme de ce tarif absurde, qui s’étend depuis 20 centimes jusqu’à 1 franc 20 centimes pour une lettre simple du poids de 7 grammes et demi, n’ait pas été sollicitée par l’opinion publique avec la même énergie que de l’autre côté du détroit, l’accord des esprits sur ce point a été pourtant remarquable : soixante-dix-sept conseils-généraux la réclament. La chambre des députés s’en est occupée à plusieurs reprises. Le gouvernement lui-même, dans l’espoir de la faire ajourner, s’est déterminé à des concessions importantes.

En 1844, M, de Saint-Priest proposa à la chambre des députés un système qui consistait à remplacer, pour toutes les distances au-delà de 40 kilomètres, les diverses zones du tarif par une taxe de 30 centimes, il n’y aurait eu que deux taxes dans cette combinaison, la taxe à 20 centimes et la taxe à 30. La commission qui fut chargée de l’examiner se borna à poser, par l’organe de son rapporteur, M. Chégaray, des conclusions théoriques ; elle établit du moins très nettement la supériorité de la taxe unique sur tout autre système de tarif. La chambre, plus conséquente ou plus pressée, prit la commission au mot, et, sur un amendement présenté par MM. Monnier de la Sizeranne et Muteau, décida, par 130 voix contre 129, l’adoption de la taxe uniforme de 20 centimes. Le lendemain, il est vrai, la proposition venait échouer, dans un vote d’ensemble, à 170 voix contre 170. Sous l’impression de ce vote, le ministère comprit qu’il y avait là des convictions et des exigences auxquelles il ne pourrait pas résister long-temps. En février 1846, il présenta aux chambres un projet qui ne réduisait le tarif qu’à la condition de conserver la complication des zones. Suivant ce système, le port d’une lettre simple aurait été fixé à 1 décime jusqu’à 20 kilomètres inclusivement ; à 2 décimes, de 20 kilomètres à 40 ; à 3 décimes, de 40 kilomètres jusqu’à 120 ; à 4 décimes, de 120 kilomètres jusqu’à 300 ; et à 5 décimes, au-delà de 360 kilomètres. En même temps, l’administration