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En consultant les résultats de l’année 1846, on trouve que, sur 120,915,000 lettres, 90,470,000 ont circulé, de bureau à bureau, dans l’intérieur du royaume. Le produit brut de la taxe pour ces 90 millions de lettres a été de 38,995,000 francs ; mais comme 28,046,000 de ces lettres circulent dans un rayon de 40 kilomètres et acquittent déjà par conséquent la taxe de 20 centimes, la réforme devra porter sur les 62,424,000 lettres des zones éloignées, et respecter néanmoins un produit qui s’élève à 33,051,000 francs. Si le nombre des lettres restait ce qu’il est, la taxe à 20 centimes entraînerait une perte de 19,818,000 fr., perte à peu près égale au bénéfice général que le service des postes donne à l’état. La commission a calculé que, pour maintenir le niveau actuel des recettes, une augmentation de 93 millions de lettres serait nécessaire. Est-il raisonnable de compter sur un tel accroissement dès la première année de la réforme ? Voilà toute la question.

Je n’hésiterais pas à me prononcer pour l’affirmative. En Angleterre, sous l’impulsion de la taxe à un penny, le nombre des lettres s’est accru, dès la première année, au delà de 100 pour 100 ; en France, et avec la taxe de 20 centimes, il suffirait de porter la circulation de 120 millions de lettres à 203 millions, et d’obtenir par conséquent un accroissement de 77 pour 100. On doit ajouter que la taxe d’un penny, combinée en Angleterre avec le poids de 15 grammes accordé pour la lettre simple, comportait plus d’une lettre sous le même pli, en sorte que le nombre apparent de 165 millions de lettres en représentait peut-être en réalité 225 à 250 millions. En France, au contraire, le poids de la lettre simple devra rester inférieur à 7 grammes et demi, et de cette manière il devient probable que la circulation nouvelle, provoquée par l’abaissement de la taxe, profitera tout entière au trésor.

En fait de probabilités, je ne prétends pas que tout le monde soit accessible à la même confiance ; mais si la chambre des députés craint d’aventurer le revenu public par une réforme trop brusque et trop complète, pourquoi n’adopterait-elle pas, à l’exemple du parlement britannique, une mesure de transition ? En Angleterre, on a fait précéder l’application de la taxe à un penny, pendant deux mois, par l’adoption transitoire de la taxe à deux pence (21 centimes). C’était un moyen, non pas seulement de ménager le revenu, mais de préparer l’action administrative à défrayer, sans embarras ni désordre, un surcroît considérable de circulation. La taxe de 30 centimes, appliquée pendant un ou deux ans à titre de préparation, remplirait chez nous le même office. Elle appliquerait peut-être au progrès un stimulant moins énergique ; mais, en revanche, ce progrès aurait le temps de se développer et de s’accomplir.

Avec une taxe uniforme de 30 centimes, au-delà du rayon de 40 kilomètres, et en supposant que le nombre des lettres restât le même, le