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Mais cette production n’est pas stationnaire pour le plus précieux des deux métaux. L’extraction de l’or en 1846 paraît avoir sensiblement excédé celle de 1845.

Les trésors fournis par l’empire russe depuis 1823 pour l’or, depuis le commencement du XVIIIe siècle pour l’argent, s’élèvent à 217,534 kilogrammes d’or, équivalant, d’après le tarif de la monnaie française, à 750 millions de francs, et à 1,831,554 kilog. d’argent ou 407 millions de francs. La somme totale est de 1,157 millions. Comparé à ce qui est sorti des mines de l’Amérique, c’est pour l’or 7 et demi contre 100, pour l’argent presque une parcelle, 1 centième et demi, et pour l’ensemble une fraction par-delà 3 pour 100.

Si, au lieu d’envisager la production totale, on considère l’extraction annuelle, l’empire russe apparaît dans une position beaucoup plus avantageuse. Dès à présent, pour ne parler que de l’or, la production américaine étant représentée par 100, celle de la Russie l’est par 144. Comme les lavages de la Russie asiatique vont s’étendant sans cesse, et que le champ sur lequel ils s’exercent semble indéfini, nous sommes bien éloignés encore du terme qui sera atteint. Il faut s’attendre à ce que prochainement, par le fait de la Russie, la production générale de l’or approche du triple de ce qui apparaissait, à la fin du siècle dernier, sur le marché du monde. Cet accroissement de l’extraction devra, après un certain délai, amener une baisse de prix, parce que, à moins d’un développement rapide de la richesse parmi les populations, l’on cesserait bientôt de trouver l’emploi de cette masse d’or, et l’offre ainsi excéderait la demande. En d’autres termes, en supposant que l’argent restât au même point par rapport au blé, l’or ne vaudrait plus que quinze ou quatorze ou douze fois son poids en argent. La valeur relative des deux métaux précieux (je ne parle pas de la valeur absolue ni de la valeur rapportée à celle des objets de première nécessité) se rapprocherait de ce qu’elle était chez les peuples anciens ou avant la découverte de l’Amérique. D’un autre côté, la baisse de la valeur vénale de l’or ne pourrait se soutenir qu’autant que les frais de production auraient diminué, autrement la production s’arrêterait ; mais, quand on songe aux progrès surprenans que font tous les jours les arts mécaniques, on ne peut douter que le prix de revient de l’or n’éprouve une réduction, sous la seule condition que les gisemens restent les mêmes. Ainsi la baisse, si elle vient à se déclarer, ne fera guère reculer l’extraction. Au surplus, il devra s’écouler du temps avant que, devant une production d’or même triple de celle du commencement du siècle, le prix courant de ce métal éprouve une réduction significative. La quantité d’or qui existe chez les peuples civilisés est tellement forte, qu’une addition annuelle de 40,000 kilogrammes par-delà ce qui s’y plaçait ordinairement avant 1823 n’en augmenterait pas vite la masse