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à M. Jaley, l’auteur pourrait dès à présent se placer au premier rang, et son nom serait compté parmi les noms les plus glorieux ; mais il faut faire à chacun sa part, et rapporter à l’art antique la première pensée de la statue dont nous parlons. Ce que M. Jaley appelle ici l’Amour enfant est connu dans tous les ateliers sous le nom de l’Enfant à l’oie. L’original se voit au musée du Vatican et jouit depuis long-temps d’une légitime renommée. En supprimant l’oiseau, M. Jaley aurait dû comprendre la nécessité de modifier, c’est-à-dire de modérer le mouvement du bras droit. Dans la figure que nous étudions, ce mouvement semble exagéré, parce qu’il n’est pas suffisamment motivé. La tortue placée aux pieds de l’Amour ne peut l’épouvanter. Elle suffit tout au plus pour exciter sa curiosité. Il était donc absolument nécessaire de modifier le mouvement en éliminant un des élémens de la composition. La faute commise par M. Jaley n’est pas nouvelle dans l’histoire de l’art. Plus d’une fois déjà des hommes, chez qui la main était supérieure à la pensée, ont dérobé à l’antiquité des figures tout entières, et ont trouvé moyen de rendre obscurs ou faux les mouvemens qui, dans le modèle, étaient d’une parfaite clarté, d’une incontestable justesse. Dans l’Amour enfant de M. Jaley, la tête n’est pas exécutée avec autant de soin, autant de vérité que le torse et les membres. Les paupières sont lourdes et le regard manque de vivacité. Cependant, malgré toutes ces restrictions, il reste encore dans cette figure assez de qualités solides, assez de finesse, assez de naïveté pour charmer les yeux, pour captiver la pensée, pour attester que l’auteur a dignement profité de son séjour en Italie. Seulement, il fera bien, à l’avenir, d’y regarder à deux fois avant de porter la main sur une composition antique. De pareilles hardiesses réussissent rarement. L’imitation, d’ailleurs, si habile qu’elle soit, ne peut jamais fonder une renommée de quelque durée, et tous ceux qui cultivent les arts libéraux, animés d’un noble orgueil, doivent imprimer à leurs couvres un cachet personnel. Il faut demander à l’art antique des inspirations et ne pas le copier servilement. Complètes ou mutilées, les œuvres du passé ne sauraient former le patrimoine d’un homme nouveau. Que M. Jaley ne l’oublie pas, qu’il ne se laisse pas étourdir par les louanges, et qu’il ne sépare plus, comme il l’a fait cette année, la pensée de l’exécution. Les plagiats les plus heureux, les plus adroits, trouvent toujours, tôt ou tard, une mémoire fidèle qui les découvre, une voix sévère qui les signale ; c’est un danger auquel il ne faut jamais s’exposer.

Entre les cinq statues, destinées à la décoration du jardin du Luxembourg, que nous voyons au Louvre, une seule mérite quelque attention : la Marguerite de Provence, de M. Husson. La tête ne manque pas de finesse, et la draperie est habilement ajustée ; il y a là un heureux souvenir de la sculpture de la renaissance. L’Anne de Bretagne de M. De Bay