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aveugle envers le gouvernement britannique, pour peu qu’on se rappelle son dernier discours à la chambre des pairs au sujet des affaires d’Espagne. En choisissant pour le représenter un personnage aussi considérable, le gouvernement français donne à l’Angleterre un habile et digne témoignage de bon vouloir.

Là où le régime constitutionnel est de fraîche date, là nécessairement les crises politiques sont plus fréquentes, surtout si, comme en Grèce, des complications extérieures se joignent aux tiraillemens du dedans. M. Coletti vient de modifier son ministère ; il a cherché sans doute dans ce remaniement les forces dont il a besoin pour faire face aux difficultés de tout genre dont il est environné. On ne peut se dissimuler que cette recomposition du cabinet de M. Coletti est un nouvel échec pour l’influence anglaise ; c’est ainsi que l’a compris sir Edm. Lyons, car il a sur-le-champ demandé le paiement de l’arriéré de l’emprunt grec. M. Coletti doit lutter non-seulement contre une opposition ardente, mais contre les influences menaçantes d’un gouvernement qui figure cependant parmi les puissances protectrices de la Grèce. Nous approuvons tout-à-fait la sage réserve avec laquelle, il y a deux jours, la chambre s’est occupée de l’emprunt grec. M. Saint-Marc Girardin s’est contenté de lire l’endroit du rapport de M. de Goulard où se trouvent exprimées une vive sympathie pour la jeune monarchie représentative du roi Othon et l’espérance qu’une des puissances protectrices ne répudiera pas l’honorable patronage qu’elle avait jusqu’à présent partagé avec ses alliés. M. le ministre des affaires étrangères a remercié M. Saint-Marc Girardin de la réserve de ses paroles, en déclarant que le gouvernement était résolu à maintenir la politique que jusqu’à présent il a suivie en Grèce, et la chambre a voté à l’unanimité moins une voix le crédit nécessaire au paiement des intérêts et de l’amortissement de l’emprunt grec pour le semestre échu le 1er mars 1847. La générosité de la France ne se dément pas, et la conduite de la chambre a été aussi digne que politique. L’Angleterre entend autrement son rôle de puissance protectrice : elle envoie, comme nous l’avons dit, des vaisseaux au Pirée, et, si elle proteste qu’elle n’entend pas user de violence, elle ne se refusera pas le plaisir de promener d’un point à l’autre ses bâtimens, et d’encourager par la présence de son pavillon les désirs et les projets de révolte qui voudraient éclater. Sir Edm. Lyons et lord Palmerston persistent à attaquer l’administration de M. Coletti, à la décrier. Nous en trouvons la preuve dans une brochure, publiée récemment à Londres, sur la situation de la Grèce (the State of Greece), qui est un résumé de toutes les accusations dont les adversaires de M. Coletti ont fait retentir la chambre des députés d’Athènes. L’auteur de cet écrit, M. Alexander Baillie Cochrane, a été quelque temps mêlé aux affaires de Grèce, et il passe pour le fidèle interprète des inspirations de sir Ed. Lyons, quand il insiste sur la nécessité de remédier le plus tôt possible aux maux de la Grèce. On comprend ce que veut dire un pareil langage.

Le différend gréco-turc, au lieu de s’aplanir, a pris une gravité qu’il n’avait point à l’origine. Le terme fixé par l’ultimatum de la Porte ottomane étant expiré sans que les réparations exigées avec une certaine hauteur aient été accordées par le cabinet d’Athènes, les rapports diplomatiques ont cessé entre les deux gouvernemens. La Turquie, qui persiste à se croire blessée, a montré en sa mauvaise humeur en confiant d’autorité les intérêts commerciaux des sujets grecs à un fonctionnaire turc, au directeur de la douane de Constanti-