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qu’une valeur relative, et laissaient en dehors la population industrielle et agricole, dont le contact avec les indigènes est bien plus fréquent, bien plus suivi, et doit exercer une influence beaucoup plus grande sur l’assimilation future des deux peuples. Des mesures viennent d’être prises par M. le ministre de la guerre, et, pour remplir cette lacune, il a été décidé en principe que l’enseignement des élémens de la langue arabe serait introduit dans toutes les écoles primaires de l’Algérie. On ne peut qu’applaudir à cette disposition, qui réclame pourtant encore un complément nécessaire dans la création d’une école normale, où les élèves-maîtres puissent se livrer à une étude approfondie et suivie de la langue arabe, et se mettre ainsi en mesure de l’enseigner ensuite avec succès dans les écoles communales. Cet enseignement, ainsi propagé et mis à la portée de toutes les classes, produirait, nous n’en doutons pas, les meilleurs résultats, et contribuerait d’une manière efficace à faire triompher la civilisation européenne de l’antipathie des indigènes.

Si nous reportons nos regards sur nos affaires intérieures, nous voyons que la question des incompatibilités a mis de nouveau en lumière les nuances diverses qui se partagent la majorité de la chambre. Là plus encore que pour la réforme électorale, il y a eu des allures indépendantes. La question des incompatibilités n’a rien de radical et de révolutionnaire ; nous n’en voulons d’autre preuve que la manière dont elle a été posée avec une grande netteté par M. ministre de l’intérieur. « C’est une question, de limite, a dit M. Duchâtel ; la limite est-elle dépassée ou est-elle simplement atteinte ? Telle est la question entre M. de Rémusat et moi. M. de Rémusat ne veut pas expulser complètement les fonctionnaires, il se borne à en renvoyer une cinquantaine environ. Je crois que le nombre ne doit pas s’en accroître, je crois qu’il est bon qu’il ne s’accroisse pas, mais en même temps je ne pense, point que nous ayons dépassé la limite, et qu’il soit besoin de remèdes aussi énergiques que ceux qui sont proposés par M. Rémusat. » L’été dernier, beaucoup de collèges électoraux ont fait prendre à leurs mandataires l’engagement spécial de travailler législativement à restreindre le nombre des fonctionnaires dans la chambre. Ces collèges pensaient au moins que la limite dont a parlé M. le ministre de l’intérieur était bien près d’être dépassée. Il est vrai que, par une sorte de compensation, il y a d’autres collèges électoraux aux yeux desquels c’est pour les candidats une recommandation puissante que d’exercer avec distinction des fonctions publiques. Cela est vrai non-seulement pour la majorité, mais aussi pour l’opposition. Toutes ces divergences montrent combien la question des incompatibilités partage les esprits, et comment chacun se croit le droit de la résoudre à son gré, sans même prendre le mot d’ordre du parti auquel il appartient. Le gouvernement lui-même a reconnu, par l’organe de M. Guizot, que la question demandait à être approfondie, afin que sur ce point les convictions du pays pussent s’établir en connaissance de cause. Il a été convenu qu’à une époque ultérieure de la législature, sans doute dans deux ans, la question des incompatibilités sera prise en considération et mûrement examinée par une commission qui devra présenter à la chambre des conclusions positives. Ce que doit vouloir la chambre, c’est d’être la véritable expression du pays, en offrant une réunion d’élite de toutes les situations sociales. Il faut que le fonctionnaire siège à côté de l’agriculteur, et que de grands propriétaires soient mêlés à des membres du barreau. C’est ce qu’a indiqué avec