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moyens de transports ne permet pas aux paysans de vendre leurs produits, la campagne demandait qu’il lui fût permis de payer ses impositions en nature. Comme l’état n’eût pu tirer de ces denrées aucun avantage, il persista à réclamer le paiement des taxes, et, au lieu de terminer les travaux des chemins, il inventa l’impôt sur les inhumations. Ce nouvel abus décida la chute de l’administration qui se résumait dans la personne de da Costa-Cabral. Le nord s’insurgea, l’agitation gagna les provinces plus rapprochées de la capitale, et le favori, arrivé au faîte de la grandeur, put voir que, si le peuple irrité se refusait à se courber plus long-temps sous son joug, les nobles, de leur côté, n’avaient pas oublié son humble origine. Une double colère s’amassa contre lui, colère qui se composait de justes griefs, de jalousie et d’orgueil blessé. L’opinion publique, d’ordinaire assez tolérante en Portugal, se montra violente envers le ministre tout-puissant ; de son côté, il ne ménagea rien, voulut faire tête à l’orage et croula. Les insurgés des provinces, réunis en nombre sur la rive gauche du Tage, débarquèrent au quai de Sodré, tandis que les mécontens de la capitale en occupaient les abords. Un homme fut tué dans le conflit qui résulta de cette brusque démonstration, une cabane de douanier fut brûlée ; la révolution était faite. Le ministre qui la veille encore tenait entre ses mains les destinées du Portugal se jeta furtivement dans un canot de guerre français et se réfugia à l’ombre de notre pavillon, à bord du Cygne, où ses ennemis parlaient encore de le poursuivre.

Le premier soin de l’administration nouvelle dont le duc de Palmella était le chef fut de calmer l’agitation publique ; les hommes honorables qu’une émeute avait appelés au pouvoir tenaient à prouver qu’ils n’étaient pas révolutionnaires et à se prémunir ainsi contre des réactions faciles à prévoir. L’ordre un instant troublé ne tarda pas à renaître ; les bandes miguélistes, peu nombreuses à la vérité, qui s’étaient montrées dans le Tras-os-Montes, disparurent bientôt ; on put sans danger parcourir les provinces, que des journaux mal informés représentaient encore comme infestées de guerilhas. Enfin l’Algarve, pays sauvage et turbulent, qui paraît plutôt annexé que réuni à la monarchie portugaise, accepta de confiance les ordres émanés de la capitale. Lisbonne rentra dans son repos accoutumé ; seulement, comme pour marquer le souvenir de l’idée qui avait présidé à cette révolution, l’air des septembristes, joué par les musiques militaires, répété même par le carillon des églises, retentit dans toutes les rues. La cour, contrainte de dissimuler son mécontentement, céda à la nécessité ; on espéra même un instant qu’elle comprendrait l’importance d’une transaction devenue indispensable au maintien de la tranquillité publique, qu’elle sacrifierait ses répugnances particulières au besoin de repos, de paix intérieure, qui se fait si vivement sentir en Portugal. Cette illusion ne fut