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elles écrasèrent la marine marchande de Cuba en lui fermant les ports de l’Union, les seuls à peu près avec lesquels cette marine eût des relations fréquentes et avantageuses : de plus, elles favorisèrent dans les états méridionaux de l’Union la renaissance de l’industrie saccarine, qui était presque entièrement tombée en désuétude depuis que les introductions de Cuba et de Puerto-Rico sur le continent américain avaient réduit le prix des sucres. Les sucres de la Louisiane et de la Floride, en effet, ne pouvaient en aucune façon soutenir la concurrence de ceux des Antilles. Sur ce sol brûlant pendant les chaleurs de l’été, les rigueurs de l’hiver se font cruellement sentir, elles obligent les cultivateurs à ressemer annuellement la canne ; le sucre qu’on tire ainsi de la plante mûrie trop promptement est inférieur et très coûteux. Il lui fallait pour se produire sur les marchés une protection exorbitante ; il la trouva dans la loi de 1834.

Comme on le voit, le parlement espagnol n’était pas heureux dans ses essais de retour vers le système restrictif aboli en 1818. Dans l’intention de protéger la marine marchande et l’agriculture péninsulaire, il tuait la marine de Cuba, qui était aussi la sienne, exposait son pavillon à subir aux États-Unis l’humiliation d’un cautionnement, fermait à la colonie son principal marché, et jetait dans la consommation une nouvelle quantité de sucre, dont la concurrence devait inévitablement contribuer à avilir le prix de cette denrée. Sur qui devaient retomber en dernière analyse ces déplorables conséquences ? Sur l’avide métropole, qui, ayant voulu tout attirer à elle, s’exposait à voir diminuer la production de la colonie, et ses rentes décroître dans une proportion égale. Dans le premier moment, la gêne qui devait résulter de la décision du congrès de l’Union ne se fit que faiblement sentir. Les sucres de Cuba luttèrent contre toutes ces difficultés : exportés par des navires américains, ils soutinrent quelques années encore la concurrence sur les marchés des États-Unis ; mais, lorsqu’en 1843 la production de la Louisiane eut pris une importance sérieuse, lorsque le gouvernement de Washington, jugeant le temps venu de la protéger plus efficacement encore, imposa aux sucres et aux tabacs de l’île espagnole des droits excessifs, alors le prix de ces denrées baissa tout à coup, la production s’arrêta un instant, et, si de nouveaux débouchés n’étaient pas venus s’ouvrir devant elle, il était évident que la prospérité de la plus belle colonie du monde allait souffrir de graves, d’irréparables atteintes[1].

Le gouvernement de la Péninsule n’en continuait pas moins ses expériences et ses fautes. Après s’être attaqué à l’importation, après avoir détruit la marine, il menaçait à son tour l’agriculture, en entravant l’exportation. Guerres intestines, révolutions de palais, changemens de

  1. L’abaissement des tarifs anglais a ouvert, depuis ce temps, les marchés de la Grande-Bretagne aux sucres de Cuba.