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1830 à 1843, est de 13 francs 50 centimes. Il mettait de même les frais de transport au plus bas, et il faisait remarquer qu’une demande plus forte ferait monter et la cote du marché de Varsovie et les prétentions des bateliers. C’est également à 23 et 24 francs que reviendaient les blés de la Baltique au Hâvre et à Dunkerque. Les propriétaires de la Grande-Bretagne qui demandaient, en 181, qu’on leur garantît un minimum de 38 à 40 francs, et qui se contentaient à peine de la loi des céréales de la même année, qu’on avait rédigée avec l’intention de leur assurer 34 fr. 50 cent., pouvaient prendre ombrage de ces prix de 23 ou 24 fr. ; mais qu’en pourraient dire nos cultivateurs, eux qui sont satisfaits du cours ordinaire de 20 francs ?

Si donc nous laissions entrer librement les blés de la Baltique, ils ne pourraient rien pour ruiner notre agriculture. C’est contraire à l’opinion reçue en France, mais c’est positif. Aussi les adversaires de la liberté du commerce des grains parlent-ils peu de la Baltique. C’est la mer Noire, disent-ils, qui nous portera le coup fatal. C’est de là que viendra l’importation de blé à 6 francs l’hectolitre, dont l’effet sera de mettre nos terres en friche et de couvrir de nouveau le sol des Gaules des impénétrables forêts qu’y rencontra Jules César. S’il est vrai que le blé est à Odessa à meilleur marché qu’en Pologne, il l’est de peu. Il ne s’agit pas de savoir quel est le prix du blé dans l’intérieur de la Russie, loin des ports et de toute voie de communication ; c’est presque aussi indifférent au commerce que de connaître ce que se vendent les grains ou les racines dont se nourrit un Africain aux sources du Niger. A Odessa, le prix commun des dernières années, quand l’occident de l’Europe fait peu de demandes, est de 10 à 11 francs mis à bord. En magasin à Marseille, l’hectolitre revient à 15 francs au moins, sans profit pour le commerce ; avec les bénéfices du commerçant, les chances d’avaries, les déchets et les pertes d’intérêts, il faut dire 18 francs. Mais les blés dits touselles que produit la Provence sont d’une qualité fort supérieure. Le blé d’Odessa à 18 francs répond à plus de 23 pour les touselles, et les prix de 18 ou de 23 francs à Marseille supposent 20 et 25 francs à une petite distance dans l’intérieur. Nous ne parlons pas du moment actuel où les prix d’Odessa sont montés à plus du double de la cote ordinaire. Lorsque la Provence aurait du mauvais grain à 18 ou 20 francs et du très beau à 23 ou 25, elle serait à peine dans la situation du Nord ; elle ne serait donc pas privilégiée, elle ne se rendrait pas coupable du crime de lèse-agriculture. Cependant, pour ne pas se faire d’idée fausse, il faut se rappeler que l’hectolitre de blé vaut plus de 10 ou 11 francs à bord du navire dans le port d’Odessa, dès que la demande est un peu active. Alors donc le blé d’Odessa reviendrait à Marseille à plus de 18 francs. Quel est donc l’avilissement des prix que l’agriculture aurait à craindre ?