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d’humanité. C’est commandé par la bonne, la vraie, la grande politique, celle qui a la santé publique à cœur, celle qui prend en considération la nécessité d’accroître la puissance productive de l’industrie nationale, celle qui recherche les meilleurs moyens d’avoir de solides armées en prévision des sinistres momens où il faut en venir à la fatale extrémité de la guerre.

A l’égard de la viande, le pays est, répétons-le, dans une disette véritable. C’eût été le cas, il y a déjà long-temps, de mettre à exécution tout ce qu’il peut y avoir de pratique dans divers projets de législation favorables aux irrigations, dans des idées émises plus d’une fois sur le remaniement intelligent des tarifs des octrois, sur la convenance qu’il y aurait d’affranchir autant que possible cet article de toute taxe municipale, comme on l’a fait pour le pain, sur l’opportunité de substituer, à l’entrée du royaume et à l’entrée des villes, le droit au poids au droit par tête, sur la nécessité d’accorder dans les grandes villes, surtout à Paris, à l’industrie de la boucherie, la liberté, qu’on lui refuse sans motifs valables depuis qu’on a des abattoirs pour exercer une bonne surveillance. On a procédé tout différemment.

L’ancien régime avait presque toujours évité de frapper la viande d’un droit de douane. La constituante avait trop le sentiment de l’intérêt public pour ne pas persévérer dans cette voie. La république et l’empire restèrent fidèles à ces sages précédens. En 1816, alors qu’on cherchait à créer au trésor des ressources extraordinaires, on se détermina à taxer les bœufs à 3 fr. 30 cent., les vaches à 1 fr. 10 cent., les veaux à 27 cent. Ainsi que l’a dit, dans son exposé des motifs de 1832, le ministre du commerce d’alors, ce ne fut pas sans répugnance que le gouvernement proposa et que les chambres adoptèrent ce nouveau genre d’impôt. Cependant une autre pensée pénétra bientôt dans l’administration du royaume. En 1822, la chambre des députés était fort ardente pour le système prohibitif en tout genre. Le gouvernement, cédant à ces tendances, proposa de décupler, par manière de protection, les droits de 1816. C’était mettre la taxe des bœufs à 33 fr. La chambre : aggrava le projet de loi et vota 55 fr., et le reste en proportion. Telle est l’origine des droits qui subsistent encore. C’est cependant avec cette inconséquence que se mènent les affaires vitales d’un grand peuple. La viande, aliment indispensable, est à un prix trop élevé ; elle manque. Pour parer au mal, on s’applique à la renchérir, à la raréfier. Des états nous entourent, beaucoup mieux pourvus de pâturages, qui nous envoyaient une quantité médiocre de bétail qu’avec plus d’intelligence commerciale de part et d’autre on aurait pu accroître : c’est Bade, le Luxembourg, la Belgique, le Wurtemberg et la Baviève plus encore, la Prusse rhénane, la Suisse, le Piémont. A partir de 1819, l’importation n’avait jamais excédé 18,000 bœufs, excepté en 1821, où une circonstance