Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/913

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la terre du pied. On accorde un délai de trois mois pour des entreprises qui exigeront moyennement, pour l’aller et le retour et pour le chargement, tout ce temps-là, quand il s’agira de nos ports les mieux situés et des pays producteurs les moins éloignés, mais qui absorberont quatre à cinq mois dans la plupart des circonstances. Trois mois suffiront en général pour envoyer du Hâvre un navire vers la Baltique et le faire rentrer chargé ; mais de Bordeaux à Dantzig ce sera trop peu. Certainement trois mois ne sont pas assez pour une expédition de Marseille à Odessa, ou du Hâvre à New-York et à la Nouvelle-Orléans. Un armateur ne se chargera pas d’une opération pour la Nouvelle-Orléans à moins de cinq mois. A la vérité, si l’on tient compte de ce que la loi sera promulguée un mois environ avant le 31 juillet et de ce qu’un délai est accordé aux navires qui seraient partis du lieu de chargement avant le commencement d’octobre, on est fondé à soutenir que le délai est calculé de manière à permettre le voyage dans tous les cas. Calculons donc ce qu’il est possible d’attendre d’un voyage.

Les relevés de notre effectif maritime, tels qu’ils sont publiés par l’administration des douanes, constatent que tout ce que nous avons de navires en état de faire de longs trajets, c’est-à-dire de plus de 200 tonneaux, en confondant la voile et la vapeur, ne va qu’au nombre de 650, d’un tonnage total de 182,000 tonneaux[1]. Admettons que tous ces bâtimens se consacrent à aller chercher des blés, qu’on renonce entièrement à la navigation coloniale, à la grande pêche, à nos relations avec la mer du Sud et avec le Brésil ; ne faisons aucune déduction pour les bâtimens à vapeur, qui cependant ne sauraient recevoir cette destination. Admettons encore que les 182,000 tonneaux de jauge équivalent à 200,000 tonnes de charge réelle. A 76 kilogrammes l’hectolitre, ce sera une quantité de 2,660,000 hectolitres qu’on pourra nous amener ainsi en un voyage. 2,660,000 hectolitres, c’est moins probablement qu’il ne faudra pour combler le seul déficit en pommes de terre. Et puis, pour nous refaire des réserves dont la présence comprime la hausse, pour nous remettre enfin en situation régulière, une importation de deux fois au moins la même quantité serait indispensable. Or, moyennement, en tenant compte de toutes les circonstances, chaque navire en quête de blé ne pourrait faire que trois voyages dans l’année. Ainsi toute la marine française employée, pendant une année entière sans relâche, à aller nous chercher du blé dans les pays de production, sans qu’on en distraie une seule voile, subviendrait tout juste à nos besoins, en supposant que la récolte ne soit pas au-dessous de l’ordinaire. C’était pourtant une raison pour qu’on ne donnât pas au commerce moins de l’année entière.

  1. Tableau du commerce de 1845, page 655.