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banque qui est le contraire de la témérité, n’offriraient aucun péril. La Banque a été partagée dans son conseil ; les membres les mieux informés sur le mécanisme des banques en général voulaient les billets de 100 fr. ; mais ils étaient en minorité. Le gouvernement a tenu dans ses mains l’issue du débat. Au lieu de se prononcer avec les hommes les plus éclairés de la Banque et du public en faveur des billets de 100 fr., et d’en autoriser l’émission par toutes les banques du royaume, il a appuyé la limite de 200 francs et pour la seule Banque de France. On peut croire que le danger est dissipé. En ce moment du moins, la Banque de France voit son encaisse métallique s’accroître sans cesse. Cependant nos importations de grains ne s’arrêtent pas ; elles sont même plus actives que jamais, et sur le pied de 1,600,000 hectolitres par mois. Nous avons donc pour achat de grains et pour le fret 50 à 60 millions à payer mensuellement à l’étranger, par extraordinaire. Il faut qu’en grande partie cette somme soit soldée en numéraire. Il n’est pas certain qu’il n’en résultera pas quelque embarras comparable à celui qu’a éprouvé la Banque au mois de janvier. Il y a peu de jours que l’exportation insolite du numéraire a occasionné en Angleterre une crise financière dont l’industrie britannique n’est pas encore sortie. L’Angleterre a pu se croire un instant à la veille d’une suspension des paie mens en espèces pareille à celle qui a mis ce puissant empire au régime du papier-monnaie de 1797 à 1821, et on y a agité la question de l’émission de billets d’une livre sterling au lieu du minimum actuel de 5 liv.

Il m’en coûte de blâmer ainsi de tout point, dans cette affaire des subsistances, la conduite d’une administration qui s’est créé des titres à la reconnaissance publique par la modération et la sagesse dont elle a donné des preuves multipliées, et qui a eu surtout le grand mérite de sauver la paix du monde deux fois depuis 1840 ; mais cette accumulation de fausses mesures ne peut passer inaperçue. Il est bon de les signaler publiquement, ne fût-ce que parce qu’un avertissement, s’il était répété par des voix plus puissantes que la mienne, pourrait empêcher ce qui n’est qu’une tendance encore de passer à l’état de faits accomplis ; je supplie surtout le cabinet de s’interroger lui-même et de se demander si cette série de fautes ne provient pas de ce qu’il se serait laissé circonvenir par une intolérante coalition d’intérêts aveugles. Les prohibitionnistes, puissamment organisés, ne veulent pas qu’on laisse entrer en franchise les céréales et surtout la viande. L’entrée en franchise de quoi que ce soit leur fait horreur, même pour un jour. Il semble que la prohibition soit une arche sainte. Ils sont parvenus à enrôler beaucoup d’agriculteurs sous leur bannière en leur persuadant que la prétendue protection leur était avantageuse, tandis qu’en réalité elle fait peser sur l’agriculture beaucoup de charges et lui donne très peu de profits. Les prohibitionnistes craignent probablement que nos