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rang des communications de première nécessité, cette ligne de 526 kilomètres eût coûté au trésor 93 millions, si elle avait été exécutée, conformément à la décision des chambres, par le concours de l’état et des compagnies. Des capitalistes se sont hardiment présentés en offrant de prendre à leur charge tous les frais de l’établissement, moyennant une indemnité de 15 millions et un privilège de soixante-six ans et six mois. Paralysés dès l’origine par la crise financière, ils n’ont pas encore mis la main à l’œuvre : les 28 millions qu’ils ont appelés sur un capital de 140 millions n’ont été entamés que pour les études définitives du chemin. La régularité des versemens étant fort douteuse dans l’état actuel du crédit, il y a urgence d’examiner s’il faut assurer le concours des actionnaires en améliorant le cahier des charges, ou s’il est préférable de laisser aller la société en dissolution : il y aurait encore à décider, dans ce dernier cas, s’il conviendrait de faciliter la liquidation en restituant le cautionnement, ou si l’on pourrait frapper d’une amende de 11 millions une société coupable de n’avoir pas fait l’impossible : Tous ceux qui pèseront consciencieusement de telles difficultés concevront les incertitudes et les temporisations du pouvoir. Si l’on considère l’utilité d’un chemin qui doit desservir vingt départemens, si l’on prête l’oreille aux plaintes de ces provinces méridionales qu’on néglige parce qu’elles sont pauvres, et qui ne sont pauvres que parce qu’elles ont presque toujours été sacrifiées aux influences du Nord, on hésite à neutraliser le bon vouloir d’une société financière aussi solide qu’elle est honorable. En pensant, au contraire, que la multiplicité des travaux commencés à la fois est la principale cause des souffrances publiques, il semble naturel d’amoindrir le mal en suspendant une spéculation qui n’est encore qu’un projet. Si l’existence de la compagnie de Bordeaux à Cette n’était pas un fait accompli, se formerait-elle dans les circonstances présentes ? Les chambres favoriseraient-elles une opération de cette importance au milieu de nos embarras financiers ? Non sans doute. Le plus sage parti serait donc de restituer le cautionnement de la compagnie et de la relever de ses engagemens, ou bien de lui réserver ses droits pour des jours meilleurs en conservant son gage dans les coffres de l’état. Telles ne sont pas les vues de la compagnie : elle existe, elle est impatiente de donner signe de vie. Elle proclame que, si le gouvernement ne seconde pas son bon vouloir, il perdra l’occasion unique de satisfaire les populations méridionales. Nous ne sommes pas beaucoup touché de cet argument. Si la spéculation doit être bonne, le gouvernement, ne sera pas embarrassé plus tard de recruter de nouveaux concessionnaires ; si l’affaire est peu favorable, il n’y aurait pas à regretter que les titulaires actuels eussent échappé à un désastre. Examinons, au surplus, les amendemens au cahier des charges sollicités par la compagnie.

Sa première demande est la suppression de l’embranchement de Castres, et rien n’est plus juste. Il a fallu que la fascination fût bien grande pour qu’on imposât la construction d’une ligne de 45 kilomètres, dont on n’attend guère plus de 1 pour 100, en surcharge d’un chemin qui, même avec une subvention de l’état, ne promet que 4 pour 100[1]. Préoccupée des moyens d’assurer son crédit, la compagnie aurait voulu d’abord qu’on lui accordât le bénéfice de la

  1. Ces chiffres sont ceux qui ressortent des débats de la chambre, Les personnes qui connaissent les localités attendent des résultats meilleurs.