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tandis que ses alliés n’y trouvaient guère que des entraves et une solidarité qui a bien ses périls. Ce sont des questions de réforme administrative, des affaires intérieures de gouvernement, qui ont amené la constitution du centre gauche. S’agit-il d’autre chose aujourd’hui ? On parle de la nécessité d’administrer avec une activité habile, de tenir les chambres en haleine en imprimant à leurs débats une animation intelligente qui les captive. Le gouvernement de 1830 n’a jamais mieux atteint ce but que lorsque, dans le cabinet du 11 octobre, M. Thiers était le collègue de MM. Guizot et Duchâtel. De pareils souvenirs donnent des regrets que les conjonctures actuelles rendent plus vifs encore, et que nous n’exprimons pas ici pour la première fois. À nos yeux, le centre gauche a toujours été une fraction de l’ancienne majorité, qui, tout en affirmant son indépendance et son individualité, devait garder dans sa physionomie l’empreinte de son origine. Si le centre gauche avait conservé la nuance politique qui convenait si bien à ses véritables intérêts, il pèserait aujourd’hui d’un autre poids dans la balance, il exercerait une influence décisive sur la majorité. Dans les circonstances, la situation du centre, gauche, on ne le contestera pas, est une difficulté de moins pour le cabinet, et on pense bien que les raisons qui diminuent le nombre des compétiteurs sérieux n’ont pas échappé à la partie la plus intéressée. Ce qui parait surtout rassurer le ministère, c’est qu’il n’aperçoit point devant lui de successeurs prochains. Cette conviction le soutient au milieu des épreuves difficiles qu’il traverse. Qu’il prenne garde néanmoins d’y puiser une de ces sécurités trompeuses qui ne s’évanouissent que devant une catastrophe. Nous vivons dans une époque ouverte à toutes les chances de l’imprévu, et même parfois de l’invraisemblable. Au surplus, ce n’est pas seulement dans l’intérêt de sa propre conservation, mais au point de vue des devoirs les plus sérieux, que le ministère doit aviser à ressaisir avec vigueur les rênes qu’il a trop laissé flotter. Il se plaint de l’espèce d’anarchie introduite dans la sphère administrative par l’usage immodéré de l’initiative parlementaire ; sur ce point, nous sommes de son avis, mais le seul remède efficace dépend de lui : c’est sa propre initiative. Quand un ministère se montre actif et résolu avec une judicieuse mesure, quand il manifeste l’intention de porter une main ferme et prudente sur tout ce qui doit être redressé, amélioré, on ne voit guère dans les chambres d’hommes considérables qui veuillent, en dehors du pouvoir, prendre le rôle de réformateurs ; ils abandonnent volontiers un pareil office au gouvernement, qui seul peut le bien remplir, car seul il possède tous les élémens des questions à résoudre. Nous souhaitons donc que le cabinet persévère dans la résolution qu’il parait avoir prise de se présenter à la session prochaine avec une pensée arrêtée et des projets approfondis. Nous ne lui demanderons pas un programme, on a trop abusé du mot ; mais il faut que, sur des problèmes trop long-temps ajournés, sur le remaniement des impôts, sur l’Algérie, car nous allons assister dans quelques jours, nous le craignons du moins, à un nouvel avortement de la colonisation africaine, sur la question du timbre, sur la réforme postale, sur la contrefaçon étrangère, sur la réduction du prix du sel, il ait des idées précises, une volonté ferme. Il y a là un champ nouveau qui s’ouvre au talent de M. le ministre des affaires étrangères. M. Guizot, nous le croyons, reconnaît aujourd’hui la nécessité de donner des satisfactions à certains besoins du pays et un aliment à l’activité de la majorité nouvelle. Nous ne concevrions pas que le ca-