Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/951

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop souvent commises dans les votes parlementaires. Tous les embranchemens que ne motivent pas les nécessités commerciales les plus évidentes ruineront les meilleures entreprises, et il faudra toujours finir par les abandonner. La question des chemins de fer va revenir devant la chambre avec toutes ses difficultés et ses détails. Par une défiance qui lui semble un devoir, la chambre craint toujours qu’on ne lui demande des sacrifices en faveur des spéculateurs. Ici, elle a surtout en face d’elle des actionnaires de bonne foi ; les spéculateurs ont eu depuis long-temps l’art de se soustraire, avec de gros bénéfices, aux chances de l’avenir. La majorité vient de montrer d’ailleurs, en nommant la commission qui doit examiner la proposition de M. Crémieux, qu’elle n’entendait pas mettre en état de suspicion les hommes qui concourent honorablement aux grandes entreprises de l’industrie. Presque tous les commissaires sont contraires à la motion de M. Crémieux, qui veut exclure de la chambre les administrateurs des chemins de fer. Faut-il donc faire de ces administrateurs autant de parias ? C’est ce qu’a demandé avec raison, dans le sein des bureaux, M. Léon Faucher, qui a revendiqué les droits de l’industrie, et réfuté sur ce point, avec une judicieuse énergie, les fausses opinions accréditées dans la gauche.

Il est un autre sujet qui, dans quelques jours, ne provoquera pas dans la chambre des débats moins vifs que la révision des lois relatives aux chemins de fer ; nous voulons parler des crédits extraordinaires de l’Algérie. Le rapport de M. de Tocqueville, au nom d’une commission composée de dix-huit membres, embrasse toutes les questions qui se rattachent à l’organisation civile de notre conquête. La commission a chargé son rapporteur d’insister surtout sur la nécessité de restreindre à Paris la centralisation dans des limites plus étroites, pour qu’une partie de l’administration fût en Afrique même, et de signaler l’avantage qu’il y aurait à soumettre les autorités administratives à la surveillance et au contrôle du pouvoir politique ; il faudrait aussi, suivant la commission, décharger les principaux pouvoirs d’une partie de leurs attributions, en restituant celles-ci aux autorités municipales. Voilà pour l’administration. Quant aux questions de colonisation, elles seront traitées à l’occasion du second projet de loi relatif à la création des camps agricoles en Algérie. Au moment où la chambre se dispose à discuter les affaires d’Afrique, une dépêche de M. le maréchal Bugeaud nous apprend que l’expédition de Kabylie n’a pas été une simple promenade militaire, mais qu’après une affaire assez chaude toutes les tribus environnant Bougie ont fait leur soumission. La commission de la chambre, qui, on se le rappelle, avait adressé des représentations au ministère à ce sujet, persiste dans son premier sentiment, et, par l’organe de M. de Tocqueville, blâme l’expédition. Cependant le maréchal Bugeaud l’a jugée nécessaire, et s’applaudit des résultats qu’elle a produits. N’est-il pas sur ce point plus compétent que la chambre ? Au surplus, puisque l’expédition est déjà terminée, la question pourra désormais être portée à la tribune sans inconvéniens et traitée à fond.

Au milieu de toutes les préoccupations soulevées a la chambre des députés par les questions d’affaires, une discussion d’une nature bien différente a montré, dans une autre enceinte, comment certaines passions, si vives il y a plusieurs années, se sont refroidies et calmées. On a agité à la chambre des pairs les questions religieuses ; on a parlé du pouvoir spirituel, du pouvoir temporel, de leurs limites respectives, de l’ultramontanisme et des libertés gallicanes, sans l’émotion