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et des systèmes contestables que d’en venir à ce désabusement et à ce doute qui destituent toutes les théories au profit de tous les caprices, et ne nous laissent, au lieu de convictions et d’espérances, que la mélancolie des illusions perdues. Nous faisons des vœux pour qu’une crise imprévue vienne arracher à ce marasme tant d’imaginations fatiguées, et rende enfin à la critique un peu de son influence en attirant ses regards vers de nouvelles œuvres dont les beautés ou les défauts mêmes puissent donner lieu à un examen sérieux, à des discussions fécondes.


DOCUMENS BIOGRAPHIQUES sur P.-C.-F. Daunou, par A.-H. Taillandier, membre de la chambre des députés, conseiller à la cour royale de Paris[1]. — La révolution française sera pendant long-temps le sujet des recherches de l’histoire. Si M. Mignet et M. Thiers ont indiqué, les premiers, avec une netteté supérieure, l’impérieuse logique des événemens, il reste encore, après ces beaux travaux, plus d’une étude spéciale à approfondir. Toutes nos origines politiques sont là ; la législation de ces héroïques années est un des plus grands sujets que puissent se proposer l’historien et le publiciste. Sans doute, le roman et le drame de la révolution offrent à l’écrivain des succès plus assurés ; il est facile de passionner la foule au bruit des émeutes, au spectacle des agitations sanglantes, et il y a là de quoi tenter la verve des artistes. Nous ne voudrions pas, certes, retrancher du domaine des poètes cette sublime et effroyable tragédie ; nous aimerions pourtant que cette dramatique histoire, faite par les imaginations ardentes, ne fît pas oublier la vraie et sérieuse histoire, l’histoire des idées et des lois, l’étude intelligente des prodigieux efforts de génie accomplis par la convention. Le meilleur moyen de purifier la révolution, d’en idéaliser le souvenir et de faire une séparation définitive entre le bien et le mal, entre le crime et l’héroïsme, ce serait de mettre en lumière les fécondes créations des législateurs de cette grande époque. De bonnes monographies sur ces travaux sévères pourraient illustrer un publiciste.

Avec cette histoire des principes, il y en a une autre bien importante aussi, c’est l’histoire particulière de ces hommes dévoués que le tableau dramatique de la révolution laisse dans l’ombre, et qui cependant ont pris une part si active au mouvement des idées. M. Mignet, dans ses éloquentes notices lues à l’Académie des Sciences morales et politiques, a donné de beaux et graves modèles. On ne saurait trop encourager de telles études. M. A. Taillandier vient de publier la seconde édition d’un intéressant travail sur l’un de ces hommes éminens dont les destinées ont été liées étroitement aux destinées de la patrie. Les Documens biographiques sur Daunou, que M. Sainte-Beuve a eu occasion de citer et d’apprécier ici même, étaient déjà un livre très recommandable par les renseignemens qu’il contenait ; cette seconde édition est presque un nouvel ouvrage. Le fidèle exécuteur testamentaire de Daunou, l’éditeur empressé du Cours d’études historiques, a complété avec un zèle pieux ces recherches consacrées à une mémoire

  1. Paris, Firmin Didot, rue Jacob, 56. — 2e édition.