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de la chambre. Presque tous, en effet, avaient comme eux annoncé l’intention ou pris l’engagement d’opérer ces dégrèvemens depuis long-temps demandés mais, bien que persévérans dans leurs pensées, tous aussi reconnaissaient la nécessité d’attendre des temps meilleurs. Pour expliquer et rendre acceptable la prudente réserve qu’il était strictement tend de s’imposer dans tout ce qui touchait à la fortune publique, le gouvernement avait plusieurs choses à faire. Il fallait d’abord avoir constaté, autant du moins que pareille constatation était possible, quel était le déficit réel dans la récolte de l’année, ne rien ignorer, ne rien dissimuler de l’étendue du mal. Sur ce premier point, il faut le dire, les renseignemens réunis par l’administration ont été loin d’offrir un degré satisfaisant d’exactitude. Les simples commerçans étaient déjà informés du prochain et inévitable renchérissement des denrées alimentaires, que dans les bureaux du ministère de l’agriculture on parlait encore de cette pénurie imminente comme d’une fausse panique qui allait se dissiper. Il était essentiel aussi de faire sentir quel contre-coup un tel état de choses allait exercer sur toutes les ressources du trésor, et de faire saisir au vrai et au vif la situation de nos finances. Ce consciencieux tableau a-t-il été mis sous les yeux du public ? le trouve-t-on, dans toute sa réalité, dans l’exposé du budget de 1847 ? En aucune façon. Loin de nous l’idée de mettre en doute la complète bonne foi de l’ancien ministre des finances et l’entière confiance qu’il avait lui-même dans les chiffres qu’il a présentés. Nous rendons volontiers à son travail toute la justice qui lui est due ; mais, nous le demandons, sur quoi ce document jetait-il une lumière nouvelle ? Après en avoir pris connaissance, n’était-on pas tenté de conclure que la situation de l’année 1847 était, à peu de chose près, celle des années précédentes ? Sans doute, le premier devoir d’un ministre des finances sera toujours d’écarter tous les voiles qui peuvent faire illusion sur la situation du trésor ; mais, quand au nom du plus sacré des intérêts publics, celui de l’équilibre à rétablir dans les finances, il fallait demander aux représentans du pays de renoncer à des mesures populaires, c’était, plus que jamais, le cas de faire parler aux chiffres leur sévère et éloquent langage. Enfin, puisque ces réformes devaient être combattues, peut-être fallait-il les combattre avec d’autres armes. Ni la réforme postale, ni le dégrèvement du sel, ne sont des inventions qui tombent des nues ; elles ont été plusieurs fois apportées et traitées devant les chambres françaises, elles y ont rencontré d’habiles et de chaleureux partisans. Il n’y a pas de ministres qui voudraient se prononcer contre elles en principe et à tout jamais. Les hommes spéciaux, versés dans les finances et l’économie politique, ont fait de ces deux questions l’objet de leurs études et de leurs méditations. On a donc été étonné d’entendre le gouvernement prendre parti contre l’abaissement de la taxe des lettres