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La redevance proportionnelle due au trésor, inscrite au budget de 4845 pour la somme de 1,332 francs, correspond déjà à un produit net d’une trentaine de mille francs, et l’on est au début de l’opération ! Les travaux, poursuivis à travers mille difficultés, sont à peine organisés ! La perspective de ces gros bénéfices, qu’on peut obtenir par l’effet d’une simple sollicitation, n’est-elle pas un appât bien fort pour les spéculateurs ? Laisser de telles richesses à la disposition arbitraire de l’autorité administrative, quels que soient les moyens de contrôle, n’est-ce pas créer autour des hommes d’état des concurrences acharnées, des rancunes dangereuses ? Le scandale fait à l’occasion des mines du cercle de Bône devait confirmer pour la seconde fois ces appréhensions.

La richesse minéralogique de la province de Constantine a été célébrée par plusieurs écrivains arabes. Édrisi, entre autres, après avoir rappelé que l’extraction des fers de l’Édough et des marbres d’Hippône date de l’époque romaine, ajoute que, de son temps, on voyait encore des Kabyles apporter aux marchés de Bône des instrumens de fer assez bien fabriqués. Les indications du géographe arabe provoquèrent les premières recherches, et vers 1841 on constata l’existence de divers gisemens, non pas précisément dans le groupe de l’Édough, mais dans deux collines plus rapprochées de la ville, qu’on appelle Bou-Hamra et Belelieta. Une première demande en concession fut aussitôt formée par un Français, ancien maître de forges, homme d’une capacité éprouvée et muni d’ailleurs des recommandations les plus puissantes. Le temps n’était pas venu de prendre une décision à cet égard. Ce fut seulement en 1843 que le service des mines en Algérie reçut ordre de réunir les informations propres à éclairer le gouvernement. Après deux années d’études et une succession de rapports, M. le maréchal Soult, formellement opposé au monopole d’une seule compagnie, prit une décision tendant à reconnaître les mêmes droits à tous les demandeurs dont les titres paraîtraient valables : le partage devait être effectué, par ordonnance royale, aussitôt que les cahiers des charges et les plans délimitatifs auraient été régulièrement établis. A la date de cette décision (3 avril 1845), sept demandes étaient parvenues au ministère, et, sur ce nombre, il en était trois qui ne méritaient aucune considération. Restait donc à partager entre quatre concurrens, jugés admissibles, les affleuremens reconnus dans le voisinage de Bône, plus un gîte très riche situé à Aïn-Morkha, au nord du lac Fetzara, signalé dans l’intervalle par M. le capitainè Carrette, et sollicité aussitôt par MM. Talabot. Les choses en étaient à ce point, lorsque, le 8 juillet de la même année, intervint une demande de M. le marquis de Bassano, conçue en termes fort pressans. Étonné de rester un mois sans réponse, le même solliciteur envoya le 10 août une seconde demande d’une vivacité encore plus