Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/1109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pacte pour s’en réserver les bénéfices éventuels, la colonisation n’aurait plus d’avenir. Il est donc d’une importance extrême que la vérité soit connue : nous croyons remplir un devoir de conscience envers l’Algérie que nous aimons, en contribuant à éclairer les faits.

Il a été dit que, depuis 1843, il s’est formé une vaste association d’accapareurs, réunissant des pairs, des députés, des fonctionnaires de tous grades des financiers considérables que cette société avertie par les affidés qu’elle compte dans l’administration de la guerre et dans la colonie, a pu « s’emparer scandaleusement de plusieurs mines et d’un nombre incalculable de terres arables, les meilleures et les mieux situées de la colonie. » On a ajouté que tous les règlemens faits pour essayer de constituer la propriété ont été dictés par cette coalition toute-puissante ; que, par exemple, « les deux ordonnances d’octobre 1844 et de juillet 1846 ont eu pour but de dépouiller un grand nombre de propriétaires algériens, afin de jeter en pâture au monopole les plus riches terrains et les plus fertiles contrées. » On insinue que des fonctionnaires d’un ordre inférieur auraient antidaté des demandes, intercepté des lettres, soustrait des pièces, toujours dans l’intention de favoriser la monstrueuse coalition. Enfin, comme pour prouver qu’on accuse pièces en main, on produit, non pas un acte, mais un projet d’acte social sans date et sans signatures légalisées, indiquant les noms et les prétentions de vingt-neuf personnes, qui se seraient associées pour l’envahissement de la terre algérienne.

On ne répond pas directement à de telles attaques. En pareil cas, on s’adresse au public, et on s’en tient à la simple énonciation des faits. Est-il vrai que des spéculateurs favorisés par l’administration aient été gorgés des meilleures terres, particulièrement dans la province de Constantine ? Non, car il a été établi précédemment que, depuis la conquête jusqu’à ce jour, trente-trois concessions seulement au-dessus de 50 hectares ont été faites. Tout le monde peut vérifier que la liste de ces grandes concessions ne présente pas un seul des noms sur lesquels on a jeté l’accusation du monopole ; que, dans la province de Constantine, il n’a été fait à des Européens que trois concessions rurales d’une contenance de 1,166 hectares, en y comprenant les 600 hectares de M. Ferdinand Barrot. Est-il vrai que l’administration ait disposé, au profit d’une espèce de bande noire, de toutes les richesses minérales de l’Algérie ? Non, car il n’a été accordé jusqu’à ce jour que cinq concessions définitives représentant en total une étendue superficielle de 104 kilomètres, plus vingt-quatre permis de recherche qui n’engagent à rien, qui peuvent être annulés ou ratifiés par l’autorité, qui ne créent aux explorateurs d’autre droit que celui de faire, à leurs risques et périls, des dépenses souvent considérables.