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Avancer que tous les règlemens faits pour constituer la propriété en Algérie ont été dictés dans un intérêt de monopole, que les envahisseurs, après s’être gorgés de richesses, ont eu assez de crédit pour obtenir cette dernière ordonnance du 5 juin, qui soumet au contrôle du conseil d’état l’aliénation des propriétés du domaine, ce n’est pas de la calomnie, c’est du délire. Il faut compter beaucoup sur la crédulité publique pour oser dire que des ordonnances auxquelles ont coopéré sait directement, soit par leurs avis, les commissions des chambres, la commission spéciale de colonisation, le comité de législation du conseil d’état, les ministères de la justice, des finances et du commerce, n’ont été concertées que sous l’influence d’une trentaine de spéculateurs assez obscurs pour la plupart. Quant à la société d’accaparement, elle aurait fait, il faut l’avouer, un singulier usage de l’habileté et de l’influence qu’on lui attribue, si elle avait arraché au pouvoir cette ordonnance du 5 juin, qui désespère les solliciteurs, puisqu’à cette heure elle ne possède encore que trois concessions de mines formant en total 37 kilomètres carrés, plus six permis de recherche, plus… des espérances !

Reste à établir nettement aux yeux du public la situation des compagnies algériennes existantes ou futures, puisqu’on est parvenu à donner à ces entreprises particulières l’importance d’un fait politique. Dans la compagnie Talabot, par exemple, nous voyons une alliance de capitalistes qui « ont conçu la pensée de réunir dans une même société leurs droits acquis, leurs espérances, leurs capitaux et leurs efforts, pour qu’une volonté commune préside aux travaux d’exploration et d’exploitation, et leur imprime une direction plus utile que celle qui résulterait de la dissémination et de la rivalité des intérêts. » Cette pensée, ainsi énoncée dans le préambule de l’acte, procède évidemment de celle qui a provoqué la fusion des chemins de fer. Cette mesure est-elle illégale dans son application aux mines de l’Algérie ? Non, car la loi de 1810 qui régit la matière porte (article 31) que « plusieurs concessions pourront être réunies entre les mains du même concessionnaire, soit comme individu, soit comme représentant une compagnie. » Toutes les entreprises métallurgiques, où l’économie sur les frais de mise en valeur est le principal bénéfice, ont tendance à se réunir. La compagnie Bassano ne devrait pas oublier qu’après avoir obtenu, le 9 novembre 1845, la Meboudja, elle sollicitait, le 22 décembre, Aïn-Morkha, et formait, le 24 février 1847, sa troisième demande pour Aïn-Barbar. L’acte dénoncé au public présentât-il les caractères d’une coalition répréhensible, ce qui n’est pas, selon nous, ce ne serait pas une raison pour soupçonner l’administration de la guerre d’une coupable partialité envers la société Talabot. Cet acte n’est encore qu’à l’état de