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sur Rome, et travailler avec Pie IX à l’émancipation morale de l’Italie. Il importe que ces deux gouvernemens comprennent bien la situation, qui est nouvelle et décisive. Les populations ne se révoltent pas contre le pouvoir, elles lui demandent de les précéder et de les conduire à la conquête d’une liberté sage. Tout est possible par les voies pacifiques, si les gouvernemens veulent marcher d’accord avec les peuples ; devant cette union, l’Autriche redoublerait de circonspection et de sagesse. Si le cabinet de Vienne n’a pas un amour bien vif pour les idées libérales, on ne saurait lui refuser du moins une profonde intelligence de ses propres intérêts, une habileté de conduite qui sait le préserver des témérités périlleuses et des mouvemens passionnés. Le cabinet de Vienne observe, attend et règle avec calme sa marche sur les événemens et les faits. Il y a quelques mois, il a cru un moment que l’heure était venue pour lui de faire en Suisse une démonstration contre les envahissemens du radicalisme ; une étude plus attentive de la situation l’a convaincu qu’il était préférable de rester tranquille spectateur des luttes intestines qui divisent la confédération.

L’ajournement de la diète helvétique au 18 octobre clôt une première phase de la question suisse. Quand on embrasse d’un coup d’œil toute la marche de la diète, qui, ouverte le 5 juillet et prorogée le 9 septembre, a tenu trente-neuf séances en soixante-cinq jours, on est convaincu qu’en dépit de sa majorité, le parti radical n’a pas obtenu les victoires rapides et décisives qu’il avait rêvées. On se flattait, au début, de tout emporter au pas de course. A entendre M. Ochsenbein, les sept cantons se soumettraient sur-le-champ ; s’ils ne le faisaient pas, la diète agirait, et ce serait l’affaire de quelques jours. Les choses n’ont pas été si vite, car en ce moment rien n’est accompli. Le parti radical a dû conquérir le terrain pied à pied, au lieu d’obtenir sur-le-champ de la diète des moyens extraordinaires pour dissoudre le Sonderbund. Sur la question même de la dissolution du Sonderbund, les envoyés des douze cantons radicaux étaient arrivés à la diète avec des instructions assez différentes. Sept cantons, les plus ardens, comme Berne, Vaud, Genève, avaient donné des pouvoirs à leurs représentans pour prononcer des moyens d’exécution. D’autres cantons, soumis à l’influence modératrice de Zurich, comme Schaffhouse, Glaris, demandaient qu’avant d’employer la force, on en référât aux grands-conseils. Enfin, dans les deux cantons à moitié catholiques, Saint-Gall et les Grisons, le parti radical s’était hâté de faire décider, pour ne rien compromettre, qu’on ne proposerait une exécution que dans le cas où le Sonderbund braverait une première décision de la diète. Dans les rangs opposés, à côté des sept cantons du Sonderbund, Appenzell-Intérieur appuyait la ligue catholique ; Neufchâtel ne pensait pas qu’une pareille alliance fût contraire au pacte, et Bâle-Ville voulait qu’on invitât amicalement les sept cantons à la dissoudre. Au milieu de toutes ces divergences, il y eut une majorité dans la diète pour décider que le Sonderbund était incompatible avec le pacte fédéral, et que par conséquent il était dissous. Il n’y avait donc qu’un principe de voté, et le radicalisme n’était pas satisfait, car il voulait l’exécution immédiate.

Quelle fut alors la tactique de la majorité ? Ce fut de voter une série de mesures qui étaient autant d’acheminemens à l’application du principe. Ainsi elle décréta que le service fédéral était incompatible avec celui du Sonderbund, ce qui amena la destitution de beaucoup d’officiers qui se déclarèrent liés par leurs