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véniens, si le radicalisme politique se joignait aux menées du radicalisme catholique, ce dont on ne peut guère douter quand on connaît les expédiens ordinaires du clergé belge.

Le problème économique, la politique d’affaires, se présente à son tour dans des conjonctures particulièrement difficiles, et ici nous ne pouvons nous empêcher de regretter la position qu’a prise depuis long-temps le parti libéral. M. Rogier fait appel aux conseils provinciaux des Flandres, et leur demande avis sur les moyens de subvenir à la détresse de ce malheureux pays. Que répondra-t-il, si les conseils lui proposent l’union douanière ? Ses journaux du moins n’ont pas encore répondu à ceux qui ont déjà risqué la question au souvenir du mouvement unioniste qui souleva les Flandres l’année dernière. La question cependant est nettement posée. Les Flandres sont affamées parce que la population y surabonde, et parce que cette population surabondante, vivant uniquement du tissage de la toile, travaille encore à la main dans toutes les conditions désavantageuses de la petite industrie, au lieu de s’attacher aux mille métiers des grandes fabriques de l’industrie moderne. C’est le même homme qui produit son lin, qui le file, qui le tisse et qui porte sa toile au marché. Avec cette aveugle distribution du temps et des forces, comment résister à la concurrence universelle des machines de Manchester ? On essaie bien aujourd’hui de fonder dans les Flandres un système mixte : on file à la mécanique et l’on donne le fil au tisserand pour le tisser chez lui ; mais, toutes ces transformations s’opérant lentement, la faim n’attend pas. La production, si imparfaits qu’en soient les moyens, s’entasse au lieu de s’écouler, parce que les débouchés transatlantiques ne veulent point préférer le commerce belge au commerce des grands états européens, parce que les débouchés les plus proches, les débouchés français, sont fermés par une protection implacable. Le plus court est encore d’ouvrir cette barrière si voisine par l’abolition complète et réciproque des lignes de douane. Ce fut là le cri des Flandres au milieu des angoisses produites par les calamités qui frappèrent tous les fruits de la terre en 1845 et en 1846. Or, le parti libéral a violemment accusé le ministère catholique de pencher à satisfaire ainsi les Flamands ; il lui a fait un crime de cette imputation en se prononçant lui-même contre toutes les tentatives unionistes. Servi, on doit le dire, par l’aveugle obstination avec laquelle on repoussait chez nous les mêmes idées commerciales, il s’est rejeté plus que jamais sur les préjugés de la nationalité belge comme sur une arme défensive, en oubliant que cette arme avait été long-temps aux mains de ses adversaires. Il a commis une plus haute imprudence : en haine de l’union douanière, il a couvert d’une protection marquée la propagande aventureuse des libres échangistes, et il accueille maintenant avec une faveur très significative le congrès des économistes qui va s’ouvrir à Bruxelles. Appeler sur la Belgique tous les produits du monde industriel pour n’y point appeler seulement ceux de la France, le remède en vérité serait pire que le mal, et nous voulons penser que M. Rogier ne prendra pas aux discours qui vont se débiter ces jours-ci, sous le patronage de M. de Brouckère, plus d’intérêt que n’en méritent de pures théories. Encore cependant faudra-t-il qu’il avise. Le défrichement de la Campine, la colonie de Guatemala, ne suffiront pas plus au ministère libéral qu’ils n’ont suffi au ministère catholique pour vider le trop plein de la popula-