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intentions pures ; il était juste et moral ; il voulait le bien de l’état, mais sans plus d’énergie que le sien propre ; sans se déranger en rien, sans sortir de ses habitudes, sans prendre ni soin ni peine. Jamais il ne songeait à plaire. Jamais il n’encourageait un de ses serviteurs par un mot d’approbation ou d’éloge ; il ne faisait nul accueil aux étrangers. Sa bonté n’avait rien d’expansif ni de sympathique : c’était une forme de sa faiblesse

Le roi voulait consulter la reine. Plus la situation devenait menaçante, plus son influence était funeste. Dès qu’il y avait un instant de répit, une apparence de sécurité, elle reprenait, avec vivacité, toutes ses illusions ; elle se livrait sans contrainte à ses opinions, à ses espérances, à ses amis ; elle encourageait les imprudences, elle y prenait part avec une témérité aveugle ; puis, quand le danger arrivait et se manifestait à ses yeux imprévoyans, elle s’en effrayait d’autant plus qu’elle n’avait pas voulu y croire ; elle se troublait, et ses craintes devenaient aussi exagérées qu’avait été sa présomption. La haine populaire, si injuste et si atroce, qui la poursuivait, se présentait terrible son imagination. Elle était destinée à se trouver bientôt et souvent en face des insultes et des menaces, et à s’y montrer noble et grande ; mais alors elle n’avait pas l’expérience de son propre courage, et sa résolution faiblissait lorsque le péril était prêt à apparaître. Ce sentiment lui avait inspiré une règle de conduite qui s’opposait à toute détermination énergique et active. « Je ne veux pas, disait-elle, que le roi puisse courir un danger que je ne partagerais pas avec lui. » Elle se souvenait des heures de cruelle anxiété qu’elle avait passées seule à Versailles, pendant que le roi, trois jours après la prise de la Bastille, s’était rendu à Paris et à l’Hôtel de Ville. Cette protestation de dévouement, cette volonté d’être inséparable du roi, le condamnait à ne point faire un acte viril, et à subordonner sa conduite aux alarmes et aux agitations de la reine. »

Il y avait deux rôles à jouer pour le roi, s’il ne voulait pas ou s’il ne pouvait pas (ce qui nous paraît aussi vrai) être le roi de la révolution ; il fallait céder ou résister. L’un et l’autre parti pouvait s’accorder avec les vertus privées d’un homme dépourvu des vertus politiques. Lorsqu’on est sincère, modeste et désintéressé, et qu’on se trouve jeté sur le trône à des conditions qui semblent incompatibles, soit avec la dignité du monarque, soit avec le bien de l’état, rien n’est plus simple que de renoncer à la couronne. L’abdication est le devoir d’un honnête homme qui n’est pas fait pour être roi. Si au contraire céder paraît une faiblesse, si l’on préfère la résistance, et c’était au fond la conséquence naturelle des convictions et des principes de Louis XVI, combattre est facile et légitime. Vingt fois pendant ses trois ans d’hésitations, de faiblesses et d’imprudences, le roi eut l’occasion de résister