Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tous les jours que son ouvrage a, entre autres mérites, le mérite bien rare de pouvoir être lu avec agrément et utilité dans les lieux mêmes qu’il décrit.


8 janvier.

Nous sommes à la hauteur de Téhneh ; nous ne passerons pas devant ce lieu sans nous y arrêter. Il y a là une question à vider entre M. Wilkinson, qui, dans une inscription dédicatoire adressée à Isis, lit mochiadi, et M. Letronne, qui lit, au lieu de mochiadi, lochiadi. La lecture proposée par M. Letronne offre un sens fort plausible, celui de «  déesse qui préside aux accouchemens. » La rectification est donc très ingénieuse et très vraisemblable. Cependant, si le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable, le vraisemblable n’est pas toujours vrai, et il nous est impossible de ne pas joindre notre voix à la voix de ceux qui ont lu mechiadi. Sur un pan de rocher, on voit représenté le petit-fils de Sésostris, Rhamsès Meiammoun, qui fut, comme son aïeul, un puissant monarque et un conquérant. Peut-être a-t-il fait ouvrir les vastes carrières qui sont près d’ici, peut-être a-t-il fondé la ville d’Achoris, dont les débris gisent au pied de la montagne. Ce sont des collines, on pourrait dire des flots de décombres, les vagues noires d’une mer de ruines. Partout on marche sur les briques et les débris de poterie brisée. Nestor L’Hôte pense que la ville d’Achoris a succombé à une destruction soudaine et violente, car nul monument n’est debout. Un grand nombre de tombes, creusées dans la montagne, n’offrent aucune image ni aucun hiéroglyphe. Peut-être n’ont-elles jamais été terminées, et formaient-elles comme la réserve funéraire d’une ville dont les habitans, soudainement détruits, n’auront pu, comme le dit Bossuet des rois qui ont élevé les pyramides, jouir de leur sépulcre.


9 janvier.

Nous voici à Miniéh ; c’est depuis le Caire la ville la plus considérable que nous ayons trouvée. Ici, j’ai profité pour la première fois des bienfaits de l’organisation postale créée par Méhémet-Ali. Les employés fumaient dans la rue. Il fallait peser les lettres, car elles se paient au poids ; l’administration en plein air n’avait point de balances ; nous nous sommes transportés, dans le bazar, chez un épicier qui en était pourvu. On a pesé la lettre, on a écrit en arabe l’adresse de mon correspondant du Caire, j’ai payé le port et j’ai demandé timidement si je pouvais espérer que ma missive partirait bientôt. «  Il est trop tard pour aujourd’hui, m’a-t-on dit ; mais elle partira par le courrier de demain. » En effet, le service de la poste se fait régulièrement et quotidiennement dans toute l’Égypte. Il n’est point de village où l’on ne puisse mettre chaque jour une lettre à la poste pour le Caire. Des paysans parcourent rapidement un petit espace et se transmettent ainsi, de main en