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astronomique et sont sans rapport avec un état réel du ciel ; en un mot, si le zodiaque est un monument de la science, ou seulement une représentation mythologique. Ce débat entre deux savans illustres se rattache à deux manières différentes de considérer les antiquités égyptiennes : l’opinion de ceux qui croient que les Égyptiens ont connu la science proprement dite, et l’opinion de ceux qui ne le croient point. M. Biot est un esprit trop judicieux pour soutenir aujourd’hui les thèses chimériques de Dupuis et de Bailly, lesquelles d’ailleurs ne sont, je crois, nullement de son goût. Traitant lui-même assez légèrement la science égyptienne, il emploie les ressources que lui fournissent un esprit aussi ingénieux qu’il est élevé et une profonde connaissance de l’astronomie, pour amener ses lecteurs à comprendre comment, par des procédés très simples, les Égyptiens ont pu arriver à des notions astronomiques plus relevées qu’on ne serait tenté de le croire. La question ainsi posée perd beaucoup de son importance historique. Il est sans doute intéressant d’expliquer comment les Égyptiens ont pu se passer, jusqu’à un certain point, de la science ; ce qui était vraiment important, c’était de savoir si, comme le pensaient Bailly et Dupuis, les hommes des temps anciens avaient pu s’élever jusqu’à elle. Quoi qu’il en soit, même en s’en rapportant complètement à M. Biot, en admettant sur sa parole, comme c’est un devoir de le faire pour les profanes, que les Égyptiens ont pu être, sans connaissances auxiliaires et sans instrumens, de meilleurs astronomes qu’on ne le croirait, j’avoue que je conserve quelque doute sur la nature astronomique du zodiaque circulaire de Denderah. J’ai de la peine à m’expliquer pourquoi ce zodiaque, tracé de l’aveu de M. Biot au commencement de l’ère chrétienne, offrirait une représentation de l’état du ciel tel qu’il était sept cents ans auparavant. L’identification des étoiles du planisphère avec les constellations auxquelles M. Biot les rapporte ne me paraît point encore démontrée. Du reste, la discussion n’est pas fermée, et je suspends mon opinion jusqu’à la clôture des débats, heureux de n’être qu’auditeur ou tout au plus rapporteur dans un procès où je n’ai point de voix à donner, et où les illustres avocats ne peuvent être jugés que par leurs pairs, ce qui rend difficile la composition d’un tribunal compétent.

Pour moi, jusqu’à présent, j’incline beaucoup à voir, avec M. Letronne, dans les zodiaques de Denderah des tableaux analogues à ceux que présentent les tombeaux des rois à Thèbes, tableaux demi-funèbres, demi-astronomiques, ou plutôt astrologiques, dans lesquels les scènes de l’autre vie ont pour théâtre le monde des astres, et dans lesquels le soleil, la lune, les étoiles, figurent sous un rapport mythique plus que scientifique. En continuant mon voyage, je verrai si je trouve de quoi confirmer ces idées ou de quoi les combattre. Ce qu’il y a de certain, c’est que je suis provisoirement peu disposé à croire, comme MM. Jollois