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nous le suivîmes et arrivâmes sur les bords de la bouche qui, en 1842, avait vomi ses laves dans le Val del Bove, et qui, rouverte par l’éruption de 1843, semblait encore menacer la contrée voisine. C’était d’elle que sortait la fumée que nous avions vue de Giardini ; c’était au fond de ses abîmes que grondait par instans la foudre souterraine. Ici toute description devient absolument impossible. Une vaste enceinte irrégulièrement circulaire, formée de parois à pic, s’élevait autour du gouffre. À gauche, au pied de l’escarpement, s’ouvrait un large soupirail d’où s’élançait par tourbillons une fumée rouge de feu. Au centre, à droite, partout c’étaient d’énormes blocs de lave éclatés, fendus, déchirés, les uns noirs, les autres d’un rouge sombre, tous montrant au fond de leurs moindres crevasses les teintes plus vives de la lave qui les portait. Mille jets de fumée blanche ou grise se croisaient en tout sens avec un bruit assourdissant et des sifflemens semblables à ceux d’une locomotive qui laisse échapper sa vapeur. Malheureusement nous ne pûmes que jeter un coup d’œil sur cette étrange et effroyable scène. L’acide chlorhydrique nous prenait à la gorge et pénétrait dans les dernières ramifications des bronches. À la hâte et comme ivres, nous regagnâmes le talus protecteur, et respirâmes plus à l’aise ; puis, appuyés sur nos bâtons, nous nous lançâmes en bondissant sur la pente uniquement composée de débris mobiles, et en cinq minutes nous étions au bas de ce cône que nous avions mis plus d’une heure à gravir.

Les mules nous attendaient à la casa. En un clin d’œil, notre mobilier temporaire fut installé sur leur dos, et, tandis qu’elles descendaient droit devant elles, nous prîmes à gauche pour visiter au moins des yeux le Val del Bove. Cette excursion fut peut-être la plus pénible partie du voyage. Le vent du nord-est s’était levé, et en quelques minutes était devenu une véritable tempête. Son souffle glacé soulevait des tour billons de sable et de graviers qui piquaient la figure et les mains comme autant d’aiguilles. Nous eûmes beaucoup de peine à gagner la Torre del Philosopho, petit monument antique, aujourd’hui en ruine, où les légendes siciliennes ont fixé l’habitation d’Empédocle, mais qui n’est probablement qu’un tombeau dont la date remonte seulement au temps des empereurs romains. La Torre del Philosophe touche presque à l’escarpement des Serre del Solfizio, qui borne le Val del Bove du côté du volcan. Placés sur ces roches à pic, nous admirâmes cet immense cirque de deux lieues et quart de long sur plus d’une lieue et quart de large, dont les parois presque partout perpendiculaires ; formées d’amas de lave plus vieilles que le genre humain, s’élèvent souvent à plus de mille pieds au-dessus du fond presque entièrement formé de cheires modernes superposées les unes aux autres ; mais l’ouragan, qui redoublait de violence, nous chassa bientôt de ce poste, et fuyant, pour ainsi dire, devant lui, nous passâmes, sans presque nous arrêter, devant la