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églises et le jardin des bénédictins[1]. Le 13 du même mois, un petit torrent franchit le rempart au sud de la ville, près de l’église della Palma. Un mur en pierres sèches, construit à la hâte, suffit pour l’arrêter. Les Catanais furent moins heureux quelques jours après. Un nouveau courant envahit le château, combla ses fossés et atteignit bientôt le niveau des remparts. Une digue fut aussitôt construite pour l’arrêter ; mais, le 11 juin, la lave franchit la muraille et se dirigea, à travers la ville, vers le couvent des pères di Monte-Santo. Là, on lui opposa une nouvelle barrière qui réussit à l’arrêter, et préserva ainsi un des plus beaux quartiers de Catane. A dater de cette époque, les laves ne menacèrent plus la cité et allèrent se jeter directement dans la mer. L’éruption continua quelque temps encore, et le comte de Winchelsea nous apprend que les cendres tombaient à Catane et dans la mer à dix lieues de distance, au point qu’il en avait mal aux yeux. Toutefois la violence du volcan s’épuisait. Après le 15 juillet, il paraît s’être borné à rejeter les cendres, les scories et les fragmens de lave qui obstruèrent bientôt le fond du cratère et fermèrent les bouches qui, pendant quatre mois et demi, avaient vomi la terreur et la dévastation.

Telle fut cette éruption si tristement célèbre, qui couvrit cinq à six lieues carrées d’une couche de lave épaisse sur certains points de près de cent pieds, qui menaça d’anéantir Catane et détruisit les habitations de vingt-sept mille personnes[2]. On retrouve encore aujourd’hui à la surface du sol la trace de ces terribles phénomènes accomplis depuis près de deux siècles. Nous avons essayé plus haut de décrire la cheire qui part des Monti-Rossi. Si le temps nous l’eût permis, nous aurions pu retrouver encore, comme l’avait fait Recupero, les quinze bouches accessoires qui,jalonnent sur un espace d’environ quatorze cents mètres la direction des forces souterraines ; nous aurions pu pénétrer dans la partie supérieure de cette fente formidable d’où sortit l’énorme quantité de sable qui ensevelit près d’une lieue carrée sous une couche de trois à quatre pieds de haut, et sema la stérilité jusque dans les Calabres ; nous aurions pu descendre dans cette grotta dei Palombi que, grace à M. Mario Gemellaro, on peut aujourd’hui explorer jusqu’à une profondeur de plus de deux cents pieds, et contempler dans cette crevasse un des orifices encore béans produits par le disloquement des antiques couches ; mais, sans quitter l’enceinte de Catane, nous avons

  1. « Frattanto pero, agli otto di maggio si estiva affatto il torrente, che si era introdotto nella citta dopo di avere bruciate trecento case, pochi palagi, alcune chiese, ed il giardino dei Benedettini, ed avendo pure investito le muro del mônastero e della chiesa. » (Recupero, Histoire générale de l’Etna.) Le jardin actuel des bénédictins a été planté sur des terres apportées à grands frais pour couvrir cette lave, qui s’élève aujourd’hui comme un mur irrégulier, à quelques pieds seulement des murs de ce monastère, sans contredit le plus beau monument de Catane.
  2. Relation du comte de Xinchelsea, citée par Recupero.