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Ainsi il a été une époque où le noyau primitif de l’Etna s’élevait seul au milieu de la plaine, dominant toute la Sicile de ses crêtes abruptes et irrégulières ; mais bientôt cet état de choses a dû se modifier. À dater de l’époque géologique actuelle, les éruptions qui ont eu lieu sur les flancs et tout autour de la gibbosité centrale ont remblayé la base de la montagne et donné naissance aux talus latéraux dont les pentes et l’aspect trahissent sans peine l’origine. Ces laves, ces cendres, ces scories, étaient comme une sorte de vêtement moderne sous lequel le volcan cachait ses formes premières et voilait son origine. Les vents, la pluie, les torrens, ont transporté dans la plaine une masse énorme de ces matériaux mobiles, et formé ainsi peu à peu le terre-plein bombé. On voit que ces causes secondaires tendent sans cesse à exhausser la base, à niveler les plans. C’est à elles qu’il faut attribuer surtout ce caractère d’aplatissement que présente l’ensemble du massif, malgré son relief considérable. Peut-être avec l’aide des siècles parviendront-elles à exhausser les terres de manière à ensevelir en quelque sorte la plus grande partie de l’Etna sous ses propres produits. Pourtant il n’est guère probable que le noyau primitif disparaisse jamais en entier. La quantité de matières vomies par le cratère terminal est tellement petite, qu’elle suffit à peine à recouvrir la surface très peu inclinée du Piano del Lago, et que, sur les pentes plus prononcées, ces matières s’accumulent seulement dans les crevasses et les ravins, comme pourrait le faire une légère couche de neige balayée par le vent.

Ce fait presque incroyable au premier abord, et si-opposé à bien des opinions vulgaires, est pourtant bien facile à prouver. La Torre del Philosopho n’est séparée du cône terminal que par une distance de 1.00 mètres. Ce monument compte près de deux mille ans d’existence, et pourtant les produits volcaniques accumulés autour de sa base n’avaient acquis en 1807 qu’une épaisseur de 2 mètres 75 centimètres au plus[1]. Le Piano del Lago, situé immédiatement au pied du grand cratère, ne s’élève donc chaque année en moyenne que d’un milli mètre environ par suite de l’entassement des déjections directes du volcan et des matières que les agens atmosphériques peuvent arracher au cône pour les répandre sur ce plan presque horizontal. Ici se pré sente une comparaison curieuse. Le limon du Nil exhausse tous les ans de plus d’un millimètre et quart le sol qu’il fertilise. Ainsi, dit M. de Beaumont, le Nil travaille plus efficacement à ensevelir sous ses alluvions les monumens de Thèbes et de Memphis que l’Etna à couvrir de ses cendres la Torre del Philosopho.

  1. Environ huit pieds trois pouces. Ces mesures ont été prises par M. Mario Gemellaro et confirmées par M. Agatino Recupero.